A Wolfsburg, fief de Volkswagen, la "pure folie" de Trump inquiète

La guerre commerciale tous azimuts déclenchée par Donald Trump menace l'automobile allemande déjà fébrile. A Wolfsburg, bastion industriel de Volkswagen, l'atmosphère tendue des derniers mois s'est muée en désarroi.

Rencontré dans une rue piétonnière de la ville, Richard Arnold, 85 ans, parle à propos des droits de douane punitifs d'une "catastrophe", quelque chose de "terrible", selon l'ancien ouvrier de la marque qui a passé sa vie à assembler des carrosseries sur les chaînes du géant automobile.

À ses yeux, les hausses de tarifs douaniers imposées par Washington auront des conséquences lourdes, des deux côtés de l'Atlantique.

"C'est du grand n'importe quoi, de la pure folie", abonde Friedhelm Wolf, 70 ans, autre retraité de VW, pour qui l'homme fort à la Maison-Blanche "ne sait pas ce qu'il fait".

Nicky, un autre ancien de VW, lunettes de soleil et casquette brodée de l'inscription New-York vissée sur la tête, craint pour l'emploi : "ça va clairement être compliqué", dit-il.

Les nerfs sont encore à vif chez Volkswagen où 35.000 postes devront disparaître d'ici 2035, l'équivalent de plusieurs usines, selon un compromis arraché en décembre après un long bras de fer social.

Et Wolfsburg, siège et plus grande usine du premier constructeur européen, dans le nord de l'Allemagne, ne sera pas épargné.

Réaction à calibrer

La décision de Donald Trump d'imposer 25% de droits de douane sur les voitures importées sonne comme un nouveau coup de massue pour Volkswagen et toute l'industrie automobile allemande.

Ce secteur vital avec ses 800.000 emplois directs est déjà malmené par des coûts énergétiques et salariaux élevés, ainsi que la montée en puissance des constructeurs chinois sur le marché des véhicules électriques.

Les Etats-unis, principal partenaire commercial de l'Allemagne, ont représenté l'an dernier le premier débouché des exportations allemandes de véhicules (13,1%). Un quart des biens "made in Germany" envoyés outre-Atlantique sont des voitures.

L'incertitude règne encore sur la manière dont Volkswagen - qui regroupe dix marques dont VW, Audi, Porsche, Seat et Skoda - va réagir à la nouvelle donne commerciale.

En Amérique du Nord, marché qui lui rappelle de funestes souvenirs avec l'éclatement en 2015 du "dieselgate", le scandale des moteurs diesels truqués, le groupe semble de nouveau percer, ayant vendu un peu plus d'un million de véhicules l'an dernier, soit 12 % de ses volumes.

Un porte-parole de Volkswagen a indiqué à l'AFP que l'impact des nouvelles mesures est encore en évaluation et sera communiqué une fois chiffré.

VW envisagerait une "taxe d'importation3 sur ses véhicules vers les États-Unis et aurait suspendu certains envois ferroviaires du Mexique, selon la presse.

Facture salée

A court terme, négocier avec les Américains semble la meilleure option et "si ça ne suffit pas, alors "il faudra bien hausser les tarifs en retour", croit l'ancien ouvrier Friedhelm Wolf.

L'Union européenne a proposé lundi aux Etats-Unis une exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels, dont les voitures, mais la proposition a été rejetée par Donald Trump.

La partie s'annonce compliquée en gardant en tête que les consommateurs Allemands "n'achètent pas tant de voitures fabriquées aux États-Unis" qu'ils n'en écoulent sur place, selon M. Wolf.

Les ventes aux Etats-Unis de la marque phare VW sont aujourd'hui constituées à 65% de véhicules importés, malgré la présence d'une usine dans le Tennessee. Audi et Porsche, les marques haut de gamme du groupe Volkswagen, fabriquent tous leurs modèles hors des Etats-Unis.

Le constructeur de l'ID.7 électrique produit aussi des véhicules à Puebla, au Mexique, pour servir le marché américain.

Mais au final, avec des droits de douane aux importations, "ce sont les consommateurs américains qui vont payer l'addition", estime M. Wolf.

A Hanovre, Thorsten Groeger, un responsable du syndicat de l'autombile IG Metall, partage ces préoccupations : "la part des exportations de VW vers les États-Unis est significative. Les salariés ont toutes les raisons d'être inquiets", affirme-t-il.

Il renvoie dos-à-dos les dirigeants politiques à Berlin et constructeurs automobiles pour "faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir la sécurité de l'emploi".

"Il ne faut pas que la politique de Trump pousse nos collègues allemands à craindre pour leur avenir", conclut-il.

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