Continental : la Cour de cassation se prononce mercredi

La Cour de cassation dira mercredi si la maison-mère du groupe Continental était bien le co-employeur des salariés de l'usine de Clairoix fermée en 2010, un arrêt très attendu sur la responsabilité des multinationales dans les plans sociaux.

C'est le deuxième combat des "ex-Conti", celui des grands principes, qui se joue devant la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire.

"L'enjeu est celui du co-emploi qui permet aujourd'hui dans le droit français de faire porter la responsabilité sociale de la fermeture d'un filiale et d'un licenciement collectif, à la société-mère qui en a pris la décision", résume Me Fiodor Rilov, avocat des ex-salariés.

L'arrêt dépassera le cas de Continental, car il adressera un message aux multinationales qui pratiquent "l'optimisation sociale" en ouvrant et fermant des usines sans vouloir en assumer la responsabilité, estime l'avocat.

"Le droit social est un peu une particularité française et Continental voudrait nous voir abandonner cette extravagance nationale qui oblige un employeur à justifier d'un licenciement économique, une situation de plus en plus rare dans le monde", a-t-il ajouté.

La Cour de cassation a été saisie en novembre 2014 par Continental qui souhaite pouvoir faire voler en éclats cette notion de "co-emploi", une particularité du droit français.

Le fabricant de pneumatiques venait de subir un échec devant la cour d'appel d'Amiens à propos du licenciement de 683 salariés de cette usine de pneus située dans l'Oise, au terme d'un dur conflit social.

Pour la justice, ces licenciements annoncés au printemps 2009 n'avaient "pas de justification économique". La cour, retenant la notion de co-emploi, avait condamné solidairement la maison-mère et sa filiale. Continental avait dû s'acquitter du versement de 29 millions d'euros d'indemnités.

Devant la Cour de cassation, le 18 mai dernier, l'avocate de l'équipementier allemand s'est employée à démontrer que la filiale française était bien une entité distincte et à critiquer le "co-emploi", en indiquant que "la France est l'un des rares, si ce n'est le seul pays au monde, à avoir cette notion".

 

"Une mère abusive"

Pour elle, la maison mère allemande ne s'est pas impliquée de manière "pathologique" dans les affaires de Continental France et ne mérite donc pas d'être traitée comme une "mère abusive".

L'avocat général, qui représente le ministère public, a lui aussi remis en question cette notion de "co-emploi", "des plus délicates" surtout "dans le cadre d'une concurrence mondialisée" entre multinationales. Mieux vaux selon lui s'en remettre au droit de la responsabilité civile pour faire face à des sociétés-mères "prédatrices".

A l'opposé, Me Antoine Lyon-Caen a fait valoir que la filiale française de Continental était "une société captive" à laquelle sa maison-mère allemande imposait des prix de vente et des cadences de production.

"Les +Conti+ qui ont observé la lente agonie de cette filiale seraient très étonnés que la société-mère sorte indemne de ce long épisode judiciaire", avait dit l'avocat.

"Jusqu'ici la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours confirmé la notion juridique de co-emploi qui remonte en France à 1974 avec les premières manifestations de la concentration des pouvoirs dans des multinationales", a constaté auprès de l'AFP Me Fiodor Rilov.

En 2000, un arrêt de la haute juridiction a fondé le co-emploi sur une triple confusion, "d'intérêts, d'activités et de direction". Un arrêt suivant a précisé: "se manifestant par une immixtion de l'une des sociétés dans la gestion économique et sociale de l'autre".

La cour a maintenant trois possibilités. Soit confirmer et même amplifier sa jurisprudence en estimant que la maison-mère de Continental s'est bien immiscée dans la gestion économique de sa filiale. Soit considérer que le cas Continental n'entre pas dans ce cadre de sa jurisprudence et réduire ainsi considérablement son application. Elle peut enfin abandonner la notion de co-emploi et ce serait un revirement de jurisprudence, a résumé Me Rilov.

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