Pourquoi l'ouverture du marché chinois s'annonce compliquée

La promesse de Pékin de lever ses restrictions sur les constructeurs automobiles étrangers devrait s'avérer difficile à concrétiser, avertissent les intéressés, aucun d'entre eux n'entendant lâcher ses partenaires chinois et faire cavalier seul sur un premier marché mondial très disputé.

"Le principe est important: la libéralisation pourrait contribuer à un marché (chinois) plus équitable", salue Jochem Heizmann, le patron de l'allemand Volkswagen en Chine.

Mais il ajoute aussi: "Cela n'aura cependant aucun impact sur nos coentreprises existantes" dans le pays.

Au salon automobile de Pékin, qui s'est ouvert mercredi, l'engagement dévoilé une semaine auparavant par l'agence de planification chinoise est dans toutes les têtes.

Les restrictions qui empêchent les constructeurs étrangers de contrôler leur filiale locale seront levées d'ici cinq ans, a-t-elle annoncé. Pour l'heure, toute multinationale désirant s'implanter en Chine doit créer avec un partenaire local une coentreprise dont elle ne peut posséder plus de 50%.

Ce plafond sera supprimé d'ici 2022 pour la production de voitures individuelles, et même dès 2018 pour les véhicules électrifiés.

Une mesure réclamée de longue date par les partenaires commerciaux de Pékin... mais qui ne suscitait aucune euphorie mercredi parmi les constructeurs, partagés entre prudence et circonspection.

Quasi-tous ont conclu d'étroits partenariats de long terme avec des groupes chinois, dont il leur est difficile de se désengager... et qu'ils n'ont aucune envie de quitter.

Obligations légales, lourds investissements, aide de l'allié local pour surmonter les barrières administratives et politiques: autant de raisons de ne pas bousculer le statu quo.

 

Contrats sur 30 ans

"Notre feuille de route en Chine est claire, c'est d'y faire réussir nos joint-ventures", assure à l'AFP Carlos Gomes, patron Chine de PSA, associé au constructeur chinois Dongfeng.

En trois décennies, Volkswagen "a bâti deux solides partenariats" avec les groupes étatiques SAIC et FAW, renchérit M. Heizmann.

"Nous avons ensemble de très gros investissements, nous avons une production intégrée, nous travaillons de concert sur la recherche, nous avons un vaste réseau de concessionnaire commun...", a-t-il ajouté.

Volkswagen a promis d'investir en Chine 15 milliards d'euros d'ici 2022 "avec ses coentreprises" pour développer voitures électriques et autonomes.

Idem pour son compatriote Daimler, selon son patron Chine Hubertus Troska: "La plus grosse usine de Mercedes-Benz est à Pékin, et nous lui ajoutons un deuxième site, on ne peut douter de la solidité de nos liens" avec le partenaire chinois BAIC, lance-t-il.

Difficile de tirer un trait, tant il serait onéreux de rebâtir ex-nihilo des usines ou un réseau commercial renouvelé.

Certes, les groupes peuvent tenter de racheter des parts de leur partenaire chinois dans la coentreprise pour en prendre le contrôle.

"Mais il est improbable que ces alliés chinois acceptent de céder leurs parts, étant donné l'importance des ventes concernées et le bénéfice qu'ils en tirent", soulignent les experts de Moody's.

Sans compter que "les contrats typiques de joint-venture en Chine courent sur 30 ans ou plus", ajoutent-ils.

 

"Connexions"

Certes, des constructeurs encore dépourvus d'usines en Chine, sans entraves, pourraient tirer leur épingle du jeu, comme l'américain Tesla.

Le problème reste aussi l'échelle de la production, souvent insuffisante pour les marques haut de gamme pour justifier une usine pour elles seules.

Ainsi, l'allemand BMW (600.000 véhicules commercialisés en Chine en 2017, dont 70% produits localement) projette toujours de s'associer au chinois Great Wall pour sa production de Mini électriques.

"Pour rentabiliser une plateforme (industrielle), il faut un maximum de volume. Comme nous sommes sur le segment premium, il nous fallait un partenaire motivé à commercialiser sur la même plateforme ses propres produits", explique à l'AFP Nicolas Peter, directeur financier de BMW.

Enfin, tenter l'aventure seul sur le marché chinois apparaît pour beaucoup suicidaire: "Un partenaire local apporte une compréhension viscérale du marché qu'il est dur d'égaler", commente le patron de Ford Chine, Peter Fleet.

"Les +connexions+ d'affaires sont plus cruciales ici que nulle part ailleurs", abonde Trevor Worthington, vice-président de Ford basé à Shanghai.

Pour lui, "un partenaire est fondamental, qu'il s'agisse d'entretenir des liens avec les autorités locales" pour faciliter des procédures administratives compliquées ou s'assurer un feu vert, "ou des relations avec les fournisseurs".

Avec l'assurance que son allié chinois a intérêt à vous aider: "Après tout, une coentreprise est par nature mutuellement bénéfique".

jug/ide

© 2018AFP