La Slovaquie face au défi de la voiture électrique

Premier producteur mondial de voitures par tête d'habitant, la Slovaquie risque de payer cher si elle n'arrive pas à stimuler la production de véhicules électriques sur son sol, préviennent les experts.

Le petit pays d'Europe centrale a réinventé son économie après la chute du communisme en 1989, en partie grâce à des taux réduits d'imposition des sociétés qui ont attiré des investisseurs étrangers, principalement dans les secteurs de l'électronique et de l'automobile.

Une main-d'oeuvre qualifiée et les salaires correspondant en moyenne à la moitié de ceux d'Europe occidentale, ainsi que l'adhésion à la zone euro, ont aussi joué en faveur de la vague d'investissements.

Mais aujourd'hui, Bratislava risque de manquer le train d'e-mobilité si elle tarde à introduire de nouveaux instruments encourageant les constructeurs à produire des voitures électriques dans leurs usines slovaques.

Parmi les trois grands acteurs mondiaux qui ont leurs sites en Slovaquie - l'allemand Volkswagen, le français PSA et le coréen Kia - seul VW y fabrique des véhicules électriques.

Mais ses projets concernant cette production en Slovaquie restent flous, tout comme ceux de PSA et de Kia.

Une nouvelle usine de Jaguar Land Rover doit ouvrir en Slovaquie en septembre, avec l'objectif de produire 150.000 voitures par an, mais il est également difficile de savoir s'il y aura une part d'électrique.

Le secteur automobile génère quelque 300.000 emplois en Slovaquie, ce qui en fait de loin le plus grand employeur de ce pays de 5,4 millions habitants.

Depuis trois ans, la production annuelle dépasse un million de véhicules et devrait augmenter de plus d'un tiers à l'horizon de 2020.

Dans l'ensemble, le secteur automobile représente 44% de la production industrielle totale de la Slovaquie et 35% de ses exportations.

 

"Manque de vision"

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la production mondiale de véhicules électriques pourrait exploser jusqu'à 220 millions d'unités d'ici 2030.

La production a atteint trois millions de voitures électriques en 2017, un chiffre qui, selon l'AIE, témoigne d'une croissance de 54% comparé à l'année précédente.

Peter Sevce, le directeur de l'Association slovaque des véhicules électriques (SEVA), insiste sur le fait que Bratislava devrait aujourd'hui encourager la production de véhicules électriques, de systèmes de batteries et d'électromoteurs.

Cependant "il y a un manque de volonté politique pour s'attaquer à l'électromobilité en Slovaquie, déclare-t-il à l'AFP, un manque de vision pour le secteur automobile dans les prochaines années".

Selon le porte-parole de Volkswagen Slovaquie, Michal Ambrovic, son modèle e-up!, le "premier véhicule électrique de série", a quitté les chaînes de montage de l'usine de Bratislava déjà en 2013.

Mais, selon M. Sevce, les "autres modèles électriques de VW seront assemblés en Allemagne, en raison des craintes d'une baisse de l'emploi dans le secteur automobile".

M. Ambrovic a refusé de commenter cette information, tout comme de dévoiler le nombre de e-up!fabriqués à Bratislava et tout autre projet de la marque allemande concernant la production de voitures électriques en Slovaquie.

 

"Prestige, préoccupations réglementaires"

PSA Slovaquie reste aussi discret sur ses projets de véhicules électriques.

Selon son porte-parole, Peter Svec, le constructeur "prépare plusieurs projets" dans son usine de Trnava, à environ 100 kilomètres au nord-est de la capitale.

"Pour le moment, je ne peux pas confirmer le détail de l'investissement potentiel", a-t-il déclaré à l'AFP.

Le constructeur KIA, basé à Zilina, n'était pas disponible pour commenter.

Le ministère slovaque de l'Economie vient de faire en juin un petit pas pour promouvoir les achats de véhicules électriques en Slovaquie, en créant un programme de soutien d'une valeur de 3,3 millions d'euros.

Le porte-parole du ministère, Maros Stano, a déclaré à l'AFP qu'un soutien au développement de bornes de recharge pour voitures électriques en Slovaquie était également prévu.

Selon Martin Vlachynsky, analyste de l'Institut d'études économiques et sociales basé à Bratislava, même si le retard dans l'électromobilité risque de poser problème, "sauter le premier pourrait aussi s'avérer risqué".

"Aujourd'hui, les voitures électriques sont surtout une question de prestige et de préoccupations réglementaires pour les constructeurs automobiles en raison des limites d'émissions", a-t-il déclaré à l'AFP.

Ces voitures "sont et resteront pendant un certain temps des produits déficitaires", a-t-il ajouté.

L'expert insiste aussi sur le fait que les décisions sur l'augmentation de la production de voitures électriques devraient rester décentralisées au niveau des constructeurs automobiles.

"Cela minimisera le risque que l'Etat fasse un pas dans la mauvaise direction", a estimé M. Vlachynsky.

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