La Cour a infirmé la décision de première instance et annulé le licenciement pour "atteinte à la liberté d'expression", condamnant l'employeur, Eurodecision, à payer environ 40.000 euros à son ancien salarié.
Elle a aussi condamné l'entreprise à payer 3.000 euros aux syndicats Sud et CGT pour "atteinte à la liberté syndicale", selon une copie de l'arrêt daté du 27 février que l'AFP a pu consulter jeudi.
Le 15 mars 2016, dans un mail envoyé de chez lui aux organisations syndicales du Technocentre Renault de Guyancourt où il travaillait depuis 11 mois, ce prestataire avait invité à une mobilisation contre la loi Travail et proposé d'organiser la projection du film "Merci patron !" du journaliste François Ruffin (aujourd'hui député LFI).
Aussitôt alerté par Renault qui reprochait à son sous-traitant d'avoir diffusé à des salariés un "message électronique à caractère politique", le PDG d'Eurodecision, son employeur, le convoquait pour un entretien informel.
Selon le salarié, le PDG lui avait alors indiqué qu'il "avait fait une grosse bêtise", que Renault "surveillait les mails de ses syndicats" et qu'"en tant que prestataire extérieur, il ne devait pas s'adresser aux syndicats de Renault". Il avait été mis à pied à titre conservatoire.
Le prestataire, qui avait enregistré l'entretien, avait ensuite transmis des extraits au journal alternatif fondé par M. Ruffin, Fakir, et pour lequel il était bénévole.
Le 21 avril 2016, il avait été licencié pour faute grave, son employeur estimant qu'il avait violé son "obligation de loyauté et de bonne foi" en enregistrant la discussion et en diffusant les extraits.
Dans son arrêt, la Cour a estimé que ni la mise à pied du salarié, ni son licenciement n'étaient fondés, jugeant que l'ancien salarié était "recevable à invoquer le statut de lanceur d'alerte".
"C'est une consécration pour la liberté d'expression", a réagi Me Marie-Laure Dufresne-Castets, son avocate.
Le syndicat Sud a quant à lui salué "le combat de ce collègue prestataire" et invité "les milliers de prestataires du Technocentre à faire de même à chaque fois que leur employeur ou la direction de Renault bafouent leur liberté d'expression et leurs droits syndicaux, ou qu'ils déplorent de mauvaises conditions de travail."
Sollicité par l'AFP, l'avocate d'Eurodecision n'était pas joignable dans l'immédiat.