La CGT tente un coup de poker contre Ford

La CGT de l'usine Ford de Blanquefort (Gironde) a demandé mardi à la justice de reconnaître que la fermeture du site n'était pas motivée par des impératifs économiques, l'avocate du constructeur automobile demandant au tribunal de se déclarer incompétent.

Cette usine implantée près de Bordeaux depuis 1972 fait l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) touchant 872 salariés qui a été validé par l'administration après le refus par Ford de l'offre du seul repreneur en lice, Punch Powerglide.

Mais avec cette assignation en justice devant une chambre civile du TGI de Bordeaux, le syndicat majoritaire de l'usine entendait mener "une bataille politique", a dit à l'issue de l'audience le représentant CGT Philippe Poutou, ancien candidat à la présidentielle.

"On voulait attaquer sur le fond politique de l'affaire: Est-ce qu'une entreprise comme Ford peut fermer une usine comme ça, avec les profits qu'ils font et l'argent public qu'ils ont, indûment à notre avis, reçu ? Notre démarche apparaît décalée, et ça fait presque rire Ford qu'on leur dise devant le juge qu'ils n'ont pas le droit de fermer leur usine. Mais on aimerait que la justice décide à l'inverse du contexte actuel de fermeture d'usine, de perte d'emplois partout, qu'elle stoppe cette machine infernale..."

"On espère que les juges auront ce culot et ce courage", veut-il croire, alors que l'ensemble des élus locaux, toutes étiquettes confondues, ont signé une lettre de soutien à l'action de la CGT.

A l'audience, l'avocat de la CGT Philippe Brun a notamment argué qu'il n'y avait pas de motif économique au licenciement car il ne s'agissait pas d'une cessation d'activité mais d'un "processus de délocalisation (de la production de boîtes de vitesses) vers les Etats-Unis d'Amérique".

Le syndicat demande aussi au tribunal de constater que le refus par Ford de l'offre de Punch est abusif et d'ordonner que la société strasbourgeoise soit reconnue comme repreneur.

Cette demande a toutefois été battue en brèche à l'audience par l'avocat de Punch, Jean-Fabrice Brun, venu répéter que son client n'était plus "en capacité de reprendre l'usine", "à son grand regret".

Rejetant en bloc les "contre-vérités" et la "théorie fumeuse", selon elle, de l'inexistence du motif économique formulée par son contradicteur, l'avocate de Ford, Dominique Mendy, a demandé au tribunal de se déclarer incompétent, au profit de la justice administrative. Une voie de recours que la CGT n'avait sciemment pas explorée.

La CGT a plusieurs fois demandé à l'Etat d'être présent à l'audience pour soutenir son action en justice mais, selon le syndicat, l'administration a décliné car "une telle intervention mettrait en péril l'accord négocié avec Ford pour apporter 15 millions d'euros supplémentaires pour la réindustrialisation du site".

Le jugement a été mis en délibéré au 2 juillet.

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