Ford entame sa retraite de Russie

Après les grands investissements, la désillusion: le constructeur automobile américain Ford a annoncé mercredi réduire drastiquement la voilure en Russie, en fermant trois de ses quatre usines pour se limiter aux véhicules utilitaires sur ce marché qui peine à se remettre de son effondrement de 2012-2016.

Si elle s'inscrit dans un contexte de coupes généralisées pour le groupe du Michigan, cette restructuration, qui prévoit la fermeture de la première usine automobile étrangère ouverte en Russie après la chute de l'URSS, intervient à un moment très symbolique au moment où les relations entre Moscou et Washington sont au plus bas.

Ce quasi-départ de Russie, quatre ans après celui de General Motors, confirme aussi la morosité d'un marché qui a certes renoué avec la croissance mais reste loin de son record de 2012.

"Le marché russe des véhicules de tourisme a subi une pression importante ces dernières années, avec une reprise plus lente que prévu et une évolution vers des véhicules moins chers", a constaté Ford dans un communiqué. "Cela a entraîné une sous-utilisation des usines (...) et des rendements du capital investi inadéquats".

Résultat: Ford et son partenaire local Sollers, qui forment la co-entreprise Ford Sollers, ont décidé de restructurer leurs activités afin de se concentrer sur les véhicules utilitaires légers. Le constructeur américain va céder le contrôle de cette société commune à Sollers qui en détiendra 51%.

Le projet implique de fermer, d'ici fin juin 2019, deux usines d'assemblage à Naberejnye Tchelny (Tatarstan) et à Saint-Pétersbourg, ainsi qu'une usine de moteurs à Elabouga (Tatarstan) et des licenciements massifs.

La co-entreprise Ford Sollers a justement été lancée en 2011, lorsque le marché automobile russe était considéré comme le plus prometteur d'Europe, attirant des investissements massifs des grands constructeurs mondiaux.

Il a depuis diminué de plus de moitié entre 2012 et 2016 et renoué avec une timide reprise en 2017. Les ventes restent nettement inférieures à leur niveau d'avant-crise et sont même reparties à la baisse en février.

"Quitter le marché des véhicules de tourisme" doit permettre à la co-entreprise de "constituer un modèle commercial plus compétitif et plus rentable", indique Ford Sollers, ajoutant prévoir "le plus tôt possible" des réductions "significatives" d'effectifs, "le plus possible" sur la base de départs volontaires.

Ces licenciements pourraient concerner des milliers d'employés.

 

"Mieux vaut partir maintenant"

L'usine de la banlieue de Saint-Pétersbourg compte à elle seule plus de 1.000 employés. Depuis quatre ans, elle fonctionnait à temps partiel. Lors de son ouverture en 2002, il s'agissait de la première usine de voitures étrangère en Russie.

En tout, la co-entreprise a investi 1,5 milliard de dollars dans ses grands projets russes, dont l'usine de moteurs d'Elabouga, qui n'a été ouverte qu'en 2015. Elle produit actuellement sept modèles de véhicules dont un modèle utilitaire, Ford Transit, dont les ventes progressent avec une part de marché de 15%.

Quelques heures seulement avant l'annonce, les syndicats de l'usine de Saint-Pétersbourg annonçaient sur Facebook leur intention de "mener une action collective pour empêcher la fermeture de l'usine", évoquant des rassemblements et des grèves et proposant des réductions du personnel de direction et administratif.

Pour l'heure, le groupe a annoncé une enveloppe de 200 millions de dollars (près de 178 M EUR) pour payer les fournisseurs et les employés licenciés.

Début 2018, Ford Sollers évoquait encore la possibilité d'exporter les voitures fabriquées en Russie vers l'Europe pour maintenir la viabilité des usines.

"Après avoir pesé les risques et pris conscience que la Russie est en train de couler (...), la société a décidé de fuir. Il vaut mieux partir maintenant, ayant perdu les usines, que de rester dans une situation de pertes et de stagnation de l'économie", a commenté mercredi un journaliste de la radio Echo de Moscou.

Cette restructuration en Russie survient cependant dans un contexte de coupes généralisées pour Ford, qui a récemment annoncé la suppression de 5.000 emplois en Allemagne, la suppression d'effectifs au Royaume-Uni ou encore la fermeture d'une usine de boîtes de vitesses en France, à Blanquefort (Gironde).

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