Faurecia/Hella: atteindre une taille critique hors thermique

En rachetant l'allemand Hella, Faurecia cherche à atteindre une taille critique dans divers segments de l'équipement automobile, une initiative bien accueillie lundi par les investisseurs en Bourse.

Le coût de l'opération annoncée samedi pourrait atteindre 6,7 milliards d'euros, si Faurecia retire son homologue allemand de la cote après avoir acquis les 60% détenus par la famille Hueck. C'est "le prix d'une transformation accélérée", souligne le cabinet d'analyse financière Oddo BHF.

L'équipementier français réussit grâce à cette acquisition à "diversifier son portefeuille d'activités, tout en réduisant significativement son exposition au moteur thermique", note Oddo BHF. Avec ce rachat, Faurecia veut en effet diminuer sa dépendance au moteur thermique de 25% en 2020 à 10% en 2025.

La fusion, prévue pour début 2022, devrait permettre au groupe d'avoir "une meilleure efficacité opérationnelle, d'améliorer sa base de clients" mais aussi "d'atteindre une taille critique" pour les produits centraux, comme les sièges et les phares, tout comme pour les produits en croissance, comme l'électronique ou les logiciels, jugent les analystes d'AlphaValue.

Le rapprochement fera de Faurecia le septième fournisseur automobile mondial avec un chiffre d'affaires espéré de 26,5 milliards d'euros en 2022, a estimé l'entreprise.

Ce mouvement était salué avec vigueur par les investisseurs: le titre s'est envolé de 12% à 43,06 euros à la Bourse de Paris, dans un marché en nette baisse.

La famille fondatrice de Hella souhaitait vendre le groupe. Outre Faurecia, le français Plastic Omnium et les allemands Mahle et Knorr-Bremse étaient sur les rangs.

 

Doucement vers le véhicule autonome

"La taille est une conséquence, ce n'est pas un objectif en soi. Ce qui est important, c'est d'additionner des activités, des segments qui sont technologiques, en forte croissance et pour lesquels on est en position de leadership", a soutenu Patrick Koller, le directeur général de Hella, sur BFM Business.

Pour M. Koller, cette opération signifie "plus d'électronique, plus de software [les logiciels intégrés aux véhicules, NDLR]", mais aussi "une vraie présence" sur le segment des systèmes d'aide à la conduite (Adas).

Ces aides électroniques, qui peuvent par exemple aider la personne derrière le volant dans ses manoeuvres, sont selon Patrick Koller "des compétences stratégiques, et surtout les premiers pas vers la conduite autonome".

"Il va falloir franchir ces pas pour aller tout doucement vers cette voiture autonome, qui coûte encore trop cher", a-t-il assuré.

Avec cette opération, Faurecia compte également diminuer sa dépendance au moteur thermique de 25% en 2020 à 10% en 2025.

Faurecia, toujours freiné par la pénurie de semi-conducteurs au premier semestre, espère revenir "en capacité de croissance" au deuxième semestre 2022.

 

Financé par la dette

La hausse du cours lundi "efface la baisse causée par la peur des investisseurs d'une augmentation de capital", qui avait fait descendre encore l'action fin juillet, souligne AlphaValue.

Au total, le titre Faurecia avait perdu plus de 20% de sa valeur entre début juin (47,21 euros le 2 juin) et début août (36 euros le 9 août), sur fond de pénurie de semi-conducteurs.

Grâce à ce rachat, Hella, spécialisé dans la fabrication de dispositifs d'éclairage et de composants électroniques, pourra disposer de "moyens pour financer son développement sur des segments prometteurs", pointe Guillaume Crunelle, spécialiste du secteur pour le cabinet Deloitte, jugeant ce rapprochement "très cohérent" par rapport à la tendance du marché automobile.

Hella, cotée en Allemagne sur l'indice des valeurs moyennes Mdax, a perdu 3,39% à 61,04 euros. Mais la valeur du titre de l'équipementier a beaucoup progressé cette année. "La prime de reprise était +déjà intégrée+ dans le cours de l'action", estiment les analystes de Stiffel, qui pensent également que Faurecia a conclu "un accord solide".

Selon les termes de l'accord conclu avec les membres de la famille fondatrice de Hella, Faurecia va acquérir 60% du capital au prix de 60 euros par action, en déboursant 3,4 milliards d'euros en numéraire et via l'émission de nouvelles actions. Ensuite, Faurecia veut lancer une offre publique d'achat sur les 40% restant. "En plus de l'aspect stratégique, nous avons stabilisé notre actionnariat", revendique Patrick Koller. La famille propriétaire de Hella devrait en effet prendre 9% du capital de Faurecia, a-t-il indiqué.

Toutefois, le financement de la transaction par de la dette peut créer un risque sur le levier d'endettement (leverage), soit la capacité d'une entreprise à rembourser sa dette via son activité, nuancent les analystes de la Royal Bank of Canada. Ils se montrent moins optimistes que l'entreprise sur sa capacité à ramener ce ratio à 1 d'ici 2025.

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