.... et chargé par Renault qui le prive de retraite-chapeau (+vidéo)

Renault vient d'officialiser définitivement ses doutes sur l'ère Carlos Ghosn et d'en tourner la page. La mission de vérification diligentée par le groupe a constaté "des dépenses engagées par l’ancien PDG [qui] sont source de questionnements, en raison des pratiques contestables et dissimulées". Le constructeur évoque les "atteintes aux principes éthiques du Groupe [que ces dépenses] impliquent, notamment dans la gestion des conflits d’intérêts et la protection des actifs du Groupe"...

Les communiqués de presse de Renault sont accessibles sous cette dépêche AFP

L'audit de la filiale commune de Renault et Nissan aux Pays-Bas, lancé après l'arrestation de Carlos Ghosn au Japon, soulève de "sérieux questionnements" quant à la conformité de plusieurs millions d'euros de dépenses, a annoncé Renault mercredi dans un communiqué.

 

"Plusieurs millions d'euros depuis 2010"

"Des conclusions intermédiaires" de l'audit de cette filiale commune RNBV ont "fait ressortir de graves déficiences au plan de la transparence financière et des procédures de contrôle des dépenses", précise le constructeur automobile, dont le conseil d'administration s'est réuni mercredi au siège du groupe.

"Des dépenses qui n'ont pas été précisément chiffrées, mais susceptibles de se monter à plusieurs millions d'euros depuis 2010, soulèvent de sérieux questionnements quant à leur conformité à l'intérêt social de RNBV", ajoute le communiqué.

Ancien patron emblématique de l'alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn a été interpellé fin novembre au Japon. Libéré le 6 mars sous caution après plusieurs mois de prison, Carlos Ghosn a été inculpé dans ce pays pour minoration d'une partie de ses revenus après des autorités boursières. Il a également été inculpé pour divers abus de confiance.

 

"Eléments d'alerte"

Le conseil d'administration "a demandé à la direction générale de Renault de se rapprocher de Nissan pour remédier conjointement à ces déficiences dans les meilleurs délais". Le constructeur se réserve le droit de saisir la justice sur ces nouvelles découvertes.

Renault a confirmé avoir signalé au parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) "des éléments d'alerte" relatifs à des versements effectués au profit de l'un des distributeurs de Renault au Moyen Orient.

Renault avait saisi le parquet vendredi au sujet de plusieurs millions d'euros de paiements suspects réglés par la présidence du constructeur français sous Carlos Ghosn. Les auditeurs ont été surpris de voir des dépenses de marketing à Oman affectées au centre de coût de la présidence du groupe à Paris, alors que ces dépenses sont normalement imputées sur le budget des régions concernées (voir la vidéo ci-dessu). Des flux financiers similaires avaient déjà été détectés chez Nissan. Ils sont soupçonnés d'avoir été utilisés pour des dépenses personnelles n'ayant aucun lien avec l'activité de l'entreprise.

L'ancien patron, déchu de toutes ses fonctions chez Renault et Nissan, est par ailleurs soupçonné d'avoir obtenu la location du château de Versailles et du Grand Trianon pour l'organisation de son mariage, une prestation évaluée à 50.000 euros, en contrepartie d'une convention de mécénat signée entre l'établissement public et la marque au losange. La justice a ouvert une enquête sur ce point.

 

Pas de retraite-chapeau?

En outre, le Groupe Renault a fait savoir que Carlos Ghosn ne peut prétendre à une "retraite-chapeau" comme ancien membre du comité exécutif du groupe Renault car il ne remplit pas les conditions nécessaires pour la toucher, a indiqué mercredi le groupe automobile. "Aucune rente ne pourra lui être versée à ce titre", précise Renault. M. Ghosn n'étant pas présent comme mandataire social au moment de faire valoir ses droits à la retraite, il ne peut toucher cette retraite-chapeau.

Le conseil d'administration de la marque au losange s'était réuni mercredi pour "statuer sur les conditions financières" du départ de Carlos Ghosn, qui fait l'objet de trois inculpations au Japon, dont deux pour avoir omis de déclarer une grande partie de ses revenus, sur la période cumulée 2010-2018, dans des documents de Nissan remis aux autorités boursières. Il est également poursuivi pour abus de confiance.

Le conseil a précisé dans son communiqué que "la rémunération fixe de M. Carlos Ghosn au titre de l'exercice 2018 s'est élevée à 1.000.000 euros brut".

D'autre part, le conseil d'administration a calculé à 224.000 euros le montant de la rémunération variable que devrait toucher M. Ghosn au regard des objectifs fixés. Mais il va recommander aux actionnaires de ne pas lui accorder en raison des déboires judiciaires visant son ancien patron. "Le conseil d'administration a considéré qu'il convenait de prendre en compte, dans l'appréciation de la performance de M. Carlos Ghosn, les nombreux questionnements qui se sont fait jour (...) au sujet d'opérations engagées par l'intéressé", le communiqué évoquant des "pratiques contestables et dissimulées".

Mi-février, Renault avait privé son ancien dirigeant de son indemnité de non-concurrence et de sa rémunération en actions, représentant environ 30 millions d'euros sur plusieurs années.

 

Regrets de la CGT

La CGT a regretté le versement de la rémunération fixe d'un million d'euros à M. Ghosn.

"Lorsqu'un salarié lambda est incarcéré, il y a suspension de son contrat de travail et il n'est donc pas rémunéré", a estimé le syndicat dans un communiqué.

Carlos Ghosn a annoncé de son côté mercredi, de façon impromptue et sur un compte Twitter créé spécialement pour l'occasion, une conférence de presse jeudi 11 avril.

Depuis qu'il a été relâché le 6 mars, moyennant le paiement d'une caution, après plus de 100 jours de détention pour des malversations financières présumées, le Franco-Libanais-Brésilien de 65 ans, assigné à résidence à Tokyo, ne s'est pas exprimé devant la presse. Selon les médias, il est menacé de nouvelles poursuites par le parquet.

 

Retour à des rémunérations plus sages

Concernant ses remplaçants, une rémunération de 450.000 euros par an sera proposée à Jean-Dominique Senard, le nouveau président du constructeur, alors que le directeur général exécutif, Thierry Bolloré, se verra proposer 900.000 euros.

M. Bolloré aura droit, en outre, à une rémunération variable pouvant aller jusqu'à 125% de ce montant, soit 1,125 million d'euros et donc un total maximum de 2,025 millions d'euros. Mais il aura droit à moitié moins d'actions de performances, soit 50.000 titres, sous réserve de l'atteinte de critères de performance sur une période de trois ans. Il n'y aura donc pas encore droit au titre de cette année, ni de l'an prochain.

Cette rémunération avait été revue à la baisse par rapport aux années précédentes, sous la pression de l'État actionnaire. Les années précédentes, M. Ghosn avait touché jusqu'à 120% du fixe en rémunération variable et 100.000 actions de performance, soit un total de 7,25 millions d'euros au titre de l'année 2017. La rémunération de M. Ghosn a régulièrement fait l'objet de polémiques dans le passé.

 

Nominations au conseil d'administration

Par ailleurs, le renouvellement des membres du conseil d'administration se poursuit. La démission de Carlos Ghosn de son mandat d'administrateur sera effective lors de la prochaine assemblée générale du 12 juin. Le conseil d'administration de Renault "a pris acte de la décision de Monsieur Carlos Ghosn de démissionner de son mandat d'administrateur". Il indique dans son communiqué que M. Ghosn "a également démissionné de son mandat de membre du directoire de Renault-Nissan BV", la filiale commune des deux constructeurs basée aux Pays-Bas.

Cette réunion entérinera plusieurs nominations au conseil d'administration:

  • Annette Winkler, ancienne dirigeante du constructeur allemand Daimler (Mercedes-Benz), en remplacement de Cherie Blair, avocate britannique épouse de l'ancien Premier ministre Tony Blair, dont le mandat arrivait à échéance ;
  • Thomas Courbe et Jean-Dominique Senard, les deux derniers étaient membres provisoires du conseil depuis respectivement le 5 octobre 2018 et le 24 janvier 2019, date à laquelle M. Senard a été nommé président de la marque au losange ;
  • En outre, le mandat de Philippe Lagayette, administrateur référent, arrive à échéance et l'ancien directeur de cabinet de Jacques Delors au ministère de l'Economie ne pourra être reconduit, atteint par la limite d'âge. "Le Conseil d'administration a néanmoins décidé de conserver un administrateur référent qui sera désigné par le Conseil le 12 juin 2019", précise Renault.

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