Il manque environ 4 milliards d'euros pour continuer à faire rouler trains de banlieue, métros, trams et bus, selon les autorités de transport. Dont plus de la moitié en Ile-de-France.
"Aujourd'hui, le financement des transports publics vient à la fois des recettes commerciales, du versement mobilité et des subventions", expose Carole Pezzali, spécialiste du secteur chez Wavestone.
"Les recettes se sont écroulées, le versement mobilité diminue avec la hausse du chômage et les collectivités vont avoir besoin de l'Etat", résume-t-elle.
Le versement mobilité, une taxe sur la masse salariale des structures employant plus de 11 personnes, finance plus de 40% des transports en commun en France. La mise en chômage partiel d'une bonne partie des actifs a fait chuter son rendement, et les perspectives sur l'emploi ne sont guère encourageantes. Quant aux recettes commerciales --qui financent habituellement près de 30% du total-- elles ont suivi l'effondrement de la fréquentation pendant le confinement. Et de nombreux bus restent de facto gratuits depuis.
Dans un courrier adressé au président de la République le 20 mai, le Groupement des autorités organisatrices de transport (Gart) --qui rassemble régions et agglomérations-- a appelé à l'aide.
"Alors que le gouvernement a mobilisé 7 milliards d'euros pour sauver Air France et qu'un plan de relance est prévu pour l'industrie automobile, les élus du Gart ne comprendraient pas que les transports du quotidien, sans lesquels aucune reprise économique ne sera possible, soient laissés de côté", a écrit son président Louis Nègre.
Depuis, le plan de relance à l'automobile a été annoncé, Renault a eu son chèque, la "French Tech" est aidée... Mais les élus attendent toujours un signal clair du gouvernement.
"L'Etat a dit qu'il sera présent", a assuré jeudi le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, qui préfère attendre un peu pour faire les comptes.
Fermer des lignes?
Cela n'a semble-t-il pas rassuré la présidente d'Ile-de-France Mobilités Valérie Pécresse. "Sans soutien rapide, les autorités organisatrices ne pourront plus payer trains, bus, métros. L'Etat doit nous entendre!", a-t-elle encore tweeté une heure plus tard.
Si rien ne bouge, l'autorité régionale des transports de la région parisienne a fait savoir qu'elle serait dans l'impossibilité de payer ses opérateurs --essentiellement la RATP et la SNCF-- dès juillet.
La situation est d'autant plus compliquée que les coûts ont augmenté avec la mise en oeuvre des nouvelles règles de protection sanitaire.
Et la fréquentation ne devrait pas remonter de sitôt à son niveau d'avant, certains voyageurs rechignant craignant le virus ou continuant à travailler de chez eux.
Regardant ce qui s'est passé en Chine, Carole Pezzali estime qu'elle devrait remonter à 85%, peut-être 90% de la normale. En Ile-de-France, on en est actuellement à 30%.
Ce trou dans les finances des transports publics pourrait contraindre les collectivités locales à réduire la voilure, voire fermer certaines lignes.
Il met aussi en danger un certain nombre de projets. Toulouse pourra-t-elle se payer sa troisième ligne de métro? Lyon sa cinquième? Le Premier ministre Edouard Philippe, candidat au Havre, est-il bien prudent quand il promet une nouvelle ligne de tramway?
La campagne des municipales, qui reprend, semble assez déconnectée de cette nouvelle réalité économique.
"Personne ne pourrait comprendre que l'élan engagé pour une mobilité durable pour tous et partout soit interrompu", souligne Thierry Mallet, le PDG de l'opérateur Transdev qui préside l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), le club des opérateurs.
"On va réinvestir dans les transports publics dans les semaines à venir, ça ne peut pas être autrement", se rassure Joël Hazan, spécialiste transports au Boston Consulting Group (BCG).
Au-delà d'une aide à l'exploitation, le petit monde des transports publics aimerait avoir sa part du plan de relance annoncé pour l'automne. Au nom, notamment, d'une relance verte.
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