Carlos Tavares, le rival de Ghosn qui a redressé le groupe PSA

Ingénieur passionné d'automobile, manager féru de compétition, Carlos Tavares a transformé le groupe PSA, ex-grand malade du secteur, en entreprise conquérante qui va désormais fusionner avec Fiat Chrysler pour former le groupe Stellantis.

Les actionnaires de PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel et Vauxhall) et de l'italo-américain Fiat Chrysler Automobiles doivent valider lundi leur fusion, pour créer le quatrième groupe automobile mondial (en volume), et le deuxième européen derrière l'allemand Volkswagen.

Cette opération au nom de la recherche de la "taille critique" sonne comme une revanche pour Carlos Tavares, qui avait dû quitter son poste de numéro deux de Renault en 2013 après avoir manifesté ses ambitions face au tout-puissant Carlos Ghosn, à l'époque.

Un an après la chute du PDG de Renault-Nissan, poursuivi pour malversations financières au Japon, et quelques mois après l'échec cuisant d'un projet de fusion entre Fiat Chrysler et Renault, PSA a saisi l'opportunité d'une telle alliance.

Les deux Carlos de l'automobile sont devenus rivaux il y a six ans après avoir été alliés chez Renault: ayant affiché ouvertement son ambition de diriger un jour un groupe automobile (General Motors à l'époque), Carlos Tavares avait été éjecté du groupe au Losange.

Le centralien avait jusqu'alors fait toute sa carrière chez Renault, avec une incursion de 2004 à 2011 chez son allié Nissan, notamment à la tête des opérations américaines du groupe japonais.

 

L'efficacité avant les volumes

Dans l'entité PSA-FCA, Carlos Tavares, né il y a 62 ans au Portugal dont il a gardé la nationalité, conservera les fonctions opérationnelles en tant que directeur général. Il est le président du directoire de PSA depuis son arrivée en 2014.

Le groupe, héritier de Peugeot, fleuron industriel bicentenaire, était alors aux abois, ayant essuyé une perte historique de 5 milliards d'euros en 2012 puis perdu 2,3 milliards en 2013, victime de la crise qui avait fait chuter le marché européen des voitures neuves de 25% en cinq ans.

PSA est sauvé de justesse de la faillite par l'arrivée au capital de l'Etat français, au nom de l'emploi, et du constructeur chinois Dongfeng.

Carlos Tavares s'attelle alors à redresser le navire, avec une politique, restée la même depuis, axée sur la rentabilité des ventes et l'efficacité opérationnelle plutôt que sur la recherche de volumes à tout prix.

En amont, les opérations industrielles sont passées au crible pour rationaliser et chasser le gaspillage, les employés acceptent davantage de flexibilité et une modération salariale. En aval, M. Tavares applique son leitmotiv: défendre le prix des automobiles en limitant les remises.

Sa stratégie rencontre un tel succès que son grand rival français Renault s'en inspire. "Carlos Tavares chez PSA a fait un travail extraordinaire avec une belle montée en gamme des véhicules", avait commenté début septembre le nouveau directeur général de Renault, Luca de Meo.

 

Discipline

De ses collaborateurs directs, M. Tavares, fines lunettes et visage anguleux, costumes austères sur silhouette svelte, réclame la même efficacité et discipline, minutant les réunions, réduisant les temps de repas.

En cinq ans, et après le rachat audacieux de l'allemand Opel à General Motors, les résultats sont spectaculaires. Le groupe a enregistré un bénéfice net record en 2019, en hausse de 13,2% à 3,2 milliards d'euros, contre 555 millions d'euros de pertes en 2014. PSA a également bien résisté à la crise sanitaire avec un chiffre d'affaires en baisse de seulement 0,8% au troisième trimestre.

Carlos Tavares, fier du "redressement" de PSA dont il vante "l'agilité", n'a pas l'intention de s'arrêter là. Son prochain objectif est "d'augmenter les ventes de 50% hors d'Europe". L'écroulement des ventes en Chine ces dernières années avait jusqu'ici contrecarré une partie de ce plan.

Carlos Tavares, avant de quitter le lycée français de Lisbonne pour ses études supérieures en France, était déjà passionné de compétition automobile.

Ce collectionneur d'autos des années 1970 était en 2016 au volant d'une vieille Peugeot au rallye historique de Monte Carlo, ou à près de 300 km/h sur une voiture de course du circuit de Spa en Belgique, un souvenir qui éclaire son visage, souvent sévère et concentré.

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