Après 8 ans de combat, victoire au goût amer des "Molex"

Un matin, ils ont appris que leur usine allait fermer. Huit ans de combat plus tard, la majorité des anciens salariés de Molex à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) ont eu gain de cause en justice, mais ce succès a pour eux un goût amer.

"On se dit que c'est un gâchis industriel énorme, et humain tout autant", estime Guy Pavan, ancien délégué CGT, devant l'usine où il a pointé pendant 33 ans.

Il y a 8 ans, le 23 octobre 2008, la direction de l'entreprise de connectique automobile annonçait le licenciement des 283 salariés.

Convaincue que le site est rentable et que la fermeture relève du "pillage industriel", une intersyndicale tente pendant un an, sans succès, de maintenir les emplois, dans une lutte devenue emblématique contre les "patrons voyous".

Le 9 août 2016, la justice leur a finalement donné raison: les licenciements n'avaient pas de "cause réelle et sérieuse", et 191 salariés se voient attribuer quelque 7 millions d'euros d'indemnités. Après l'expiration du délai de pourvoi en cassation, la décision est définitive depuis la mi-octobre.

Pourtant, la colère est palpable dans le local de Villemur-sur-Tarn où se réunit l'association "Solidarité Molex".

Créée en 2009, l'association maintient peu ou prou une permanence tous les jeudis pour "garder le lien", et une poignée d'ex-salariés se sont retrouvé début octobre près des T-shirt siglés Molex et des copies du film qui leur a été consacré.

"La victoire, elle y est. Mais ce pour quoi on se battait, c'est que Molex soit rendu responsable. Là, c'est la collectivité qui va payer", regrette M. Pavan.

En 2015, la justice a en effet mis hors de cause la maison-mère américaine de Molex. L'entité française liquidée, c'est l'Assurance de garantie des salaires (AGS), financée par une cotisation patronale obligatoire, qui va verser les indemnités.

 

'boulanger, chauffeur de bus'

"Il y a eu d'énormes difficultés. Beaucoup se sont reclassés avec des salaires diminués ou des déplacements relativement importants", souligne Jean-Jacques Pelissier, président de l'association et ancien élu suppléant CFE-CGC.

Environ la moitié des anciens salariés ont retrouvé un emploi, estime Jean Marzorati, trésorier de l'association.

Une partie a été embauchée chez VMI, l'entreprise crée au moment de la fermeture de Molex, qui développe le même type de produits pour l'industrie automobile, et les autres sont devenus mécano, employée de crèche, prof de techno, chauffeur de bus, boulanger, chauffeur de taxi, restaurateur...

Les "Molex" ont été récemment invités à la messe de départ en retraite du père Bachet, le curé de la commune, qui les avait à l'époque soutenus. Mais l'unanimité autour des salariés s'est estompée, reconnaissent-ils, certains habitants ne comprenant plus leur combat.

Jean-Marc Dumoulin, le maire UDI élu en 2014, gérait une entreprise sous-traitante. "Molex m'a planté, comme les autres", lance-t-il aujourd'hui dans son bureau qui surplombe le Tarn, précisant que les effectifs de son entreprise ont été divisés par quatre.

La commune de 5.800 habitants a bénéficié d'aides de l'État et des collectivités, mais son économie peine toujours, selon l'édile.

Murs blancs et toits de tuile, les bâtiments de l'usine se dressent dans le centre de la commune. L'enceinte, un temps recouverte des mots "les licenciements boursiers, y en a assez", est immaculée. Les arbres, près desquels le plan social a été voté après un an de conflit, ont grandi.

Une cinquantaine d'anciens salariés de Molex travaillent toujours dans ces locaux, au sein de l'entreprise VMI.

"On s'est battu pour garder notre travail, et c'est grâce au combat de tous les salariés que VMI existe", estime l'un d'entre eux, Denis Serres, ancien délégué CFDT, rencontré dans la commune voisine de Nohic.

A ses côtés, Francis Liénard, ancien collègue lui aussi représentant CFDT, explique avec une colère froide qu'il souhaite simplement que "le plan social soit respecté".

Car deux procédures sont toujours en cours, pour 3 anciens cadres et 23 salariés protégés. "On ne les appelle plus salariés protégés, mais salariés sacrifiés", ironise M. Pelissier.

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