Jacques Aschenbroich en piste vers la présidence d'Orange

Après la nomination de Christel Heydemann à la direction générale, le casting du nouveau tandem à la tête d'Orange se dessine: la candidature au poste de président de Jacques Aschenbroich, actuellement à la tête de Valeo, a été validée mercredi par le conseil d'administration du groupe de télécoms.

Soutenue notamment par l'État, premier actionnaire d'Orange, sa nomination doit encore être entérinée par l'assemblée générale des actionnaires, le 19 mai, "à l'issue de laquelle le conseil se réunira afin de l'élire président non exécutif du groupe", a indiqué Orange dans un communiqué.

Le départ contraint de Stéphane Richard, PDG d'Orange depuis 2011, condamné en novembre dans l'affaire Tapie/Crédit Lyonnais, a précipité la nomination d'une nouvelle direction, dans le cadre d'une gouvernance dissociée. Christel Heydemann, 47 ans, a ainsi été nommée fin janvier au poste de directrice générale d'Orange pour une prise de fonction le 4 avril.

Elle a été "associée à tout le processus concernant le choix du futur président", a-t-on assuré au sein du groupe, en précisant que "chacun sera dans son rôle" dans ce futur binôme "solide et complémentaire" à la tête d'Orange.

Plusieurs groupes dont l'État est actionnaire ont mis en place une telle gouvernance, comme Renault, après le départ de Carlos Ghosn, et Engie, où Gérard Mestrallet est passé en 2016 du poste de PDG à celui de président non exécutif.

Mais pour aller au bout de son mandat de quatre ans à la présidence d'Orange, M. Aschenbroich, 67 ans, dépassera nécessairement la limite d'âge, que les statuts de l'entreprise fixent à 70 ans.

En pratique, le conseil d'administration d'Orange souhaite présenter à l'assemblée générale une modification des statuts pour qu'un mandat puisse se terminer au-delà de l'âge limite, a annoncé l'entreprise.

 

"Cohérence" et "exemplarité"

Les salariés actionnaires, qui détiennent près de 7% du capital et 10% des droits de vote, ont cependant déjà indiqué vouloir voter contre une telle modification lors de l'assemblée générale.

Tout changement des statuts requiert le vote de la majorité des deux tiers pour être approuvé. L'État détient près de 23% des actions d'Orange et contrôle autour de 29% des droits de vote.

Outre la crainte de voir le prochain président ne faire qu'un seul mandat, l'autre grief des salariés actionnaires concerne la signature du nouvel accord intergénérationnel sur la période 2022-2024.

Celui-ci est censé favoriser le recrutement de profils âgés de moins de 30 ans, tout en proposant aux plus âgés "un nouveau dispositif de temps partiel" qui concernerait, selon eux, entre 6.000 et 10.000 salariés de plus de 57 ans.

"Comment dans le même temps le personnel pourrait-il accepter qu'Orange soit présidé par un septuagénaire? Il est impossible de prétendre simultanément que l'entreprise a besoin de +jeunes recrues+ pour répondre aux enjeux du numérique et de reculer au-delà de 70 ans l'âge de son président: les personnels attendent de la cohérence et de l'exemplarité dans la gouvernance de l'entreprise", a écrit la CFE-CGC, premier syndicat du groupe, dans un communiqué mi-mars.

M. Aschenbroich, qui dirigeait l'équipementier automobile Valeo depuis 2009, en a cédé les rênes opérationnelles fin janvier, ne conservant que la présidence du dixième équipementier mondial. Son mandat court jusqu'en mai 2023.

Il "continuera d'exercer les fonctions d'administrateur et de président du conseil d'administration de Valeo jusqu'à la mise en place du nouveau président et au plus tard jusqu'à la fin de l'année 2022", a indiqué l'équipementier dans un communiqué.

 

Qui est Jacques Aschenbroich?

PDG de Valeo entre 2009 et 2022, Jacques Aschenbroich, 67 ans, a transformé l'équipementier français en un groupe technologique de pointe. Quand Jacques Aschenbroich prend les rênes de l'équipementier en 2009, en pleine crise économique, "l'organisation était défaillante et fragmentée", racontait le dirigeant le 13 mars au Figaro. "Avec 11 branches et 132 divisions, il n'y avait ni économie d'échelle ni synergies. Il a fallu réorganiser de fond en comble: nous sommes passés à quatre +pôles+ et avons réinvesti les économies réalisées dans la technologie et dans notre croissance, en particulier en Chine".

En douze ans, ce passionné de technologie a orienté l'équipementier vers l'innovation, notamment dans les écrans connectés ou les aides à la conduite (ADAS), mais aussi les moteurs électriques de petits véhicules ou de vélos.

En 2017, il est nommé quatrième "patron le plus performant du monde" par la "Harvard Business Review" et "stratège de l'année" par "Les Echos".

Selon le délégué syndical FO du groupe, Bertrand Bellanger, "il a fait monter Valeo et si aujourd'hui la boite en est là, c'est grâce à lui", même s'"il venait de Saint-Gobain et qu'il n'avait pas forcément une bonne réputation".

"Très humain, très abordable", "très média" aussi, M. Aschenbroich affiche un bilan "positif sur le fait qu'il a transformé l'entreprise, mais globalement on a quand même une baisse d'effectifs en France", souligne le syndicaliste.

 

Ancien de Saint-Gobain

Au niveau du groupe, Valeo est passé de 45.000 à 110.000 salariés dans le monde, et a plutôt bien résisté aux cahots successifs qu'a affrontés le secteur automobile (crise sanitaire, pénurie de puces électroniques) avec un chiffre d'affaires de 17,3 milliards d'euros en 2021.

"Quant à notre chiffre d'affaires, il a été multiplié par 2,5, et même par plus de quatre en Asie: la Chine est désormais notre premier pays, avec plus de 20.000 salariés contre 15.000 en France", se félicitait M. Aschenbroich en janvier. La clientèle de l'équipementier est "aujourd'hui composée pour un tiers de clients allemands et pour un tiers de clients asiatiques. Les Français ne représentent plus que 15%".

Les investisseurs n'ont pas suivi: dans un secteur automobile très mal coté, la valeur de l'action Valeo a presque été divisée par 4 depuis 2019. L'électrification des activités de Valeo, avec dernièrement le rachat de la totalité de sa coentreprise de moteurs électriques avec Siemens, était censée faire renaître la confiance.

Ingénieur de formation, diplômé des Mines, Jacques Aschenbroich avait débuté sa carrière dans la haute fonction publique. Ingénieur des Mines, il a été conseiller de Jacques Chérèque -préfet délégué chargé du redéploiement industriel en Lorraine sous François Mitterrand- puis de Jacques Chirac, intégrant le cabinet du Premier ministre en 1987 comme conseiller technique pour les affaires industrielles.

Il a ensuite passé 20 ans chez Saint-Gobain, dirigeant des filiales du géant français des matériaux au Brésil et en Allemagne, avant de devenir le directeur adjoint du groupe. Il le quitte en 2008, après la condamnation de Saint-Gobain pour une entente avec d'autres producteurs de verre automobile.

M. Aschenbroich a également été administrateur d'Esso, et le reste chez BNP Paribas et TotalEnergies.

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