Tata: le torchon brûle avec l'ex-P-DG

Le règlement de comptes entre le géant indien Tata et son ex-PDG Cyrus Mistry, brutalement débarqué cette semaine, s'est accentué jeudi, rarissime déballage en public pour ce conglomérat familial emblématique de l'économie indienne.

Dans un email explosif au conseil d'administration de la maison-mère Tata Sons, fuité dans la presse, M. Mistry prévient que des faiblesses grèvent le plus grand conglomérat indien, ses activités déficitaires lui faisant risquer une dépréciation de 18 milliards de dollars.

Il accuse également le conseil d'administration, qui l'a évincé lundi à l'instigation du patriarche familial Ratan Tata, de l'avoir congédié pour de manière injustifiée.

Le message a aussitôt fait la une des médias indiens.

La réplique du conglomérat aux plus 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires ne s'est pas faite attendre.

Jeudi après-midi, un communiqué au vitriol a qualifié le contenu de l'email de mélange de "revendications infondées et allégations malveillantes".

Seulement sixième PDG du groupe Tata depuis sa fondation en 1868, en poste depuis quatre ans, Cyrus Mistry était aussi le premier à ne pas être issu des rangs de la dynastie parsie.

Pour étayer ses avertissements sur l'état du groupe basé à Bombay, le dirigeant rancunier cite notamment la branche sidérurgique du conglomérat, qui peine à se débarrasser de ses actifs déficitaires en Grande-Bretagne, ainsi que l'activité automobile du groupe, dont les ventes ont toujours été moroses.

L'emblématique voiture bon marché Tata Nano "n'est pas près de générer des profits", prévient M. Mistry dans son email dont l'AFP a vu une copie, et devrait être ainsi "abandonnée".

Ce règlement de comptes en public est exceptionnel pour l'une des familles les plus célèbres d'Inde, dont l'éthique en affaires est souvent célébrée et où les différends se règlent généralement en privé.

Le patriarche Ratan Tata, 78 ans, est revenu théâtralement sur le devant de la scène en reprenant les rênes du groupe qu'il avait métamorphosé au cours de près de deux décennies de règne au tournant des XXe et XXIe siècles.

Mécontent de la direction empruntée par Cyrus Mistry, qui poursuivait une stratégie de désinvestissement détricotant en partie son oeuvre, M. Tata a évincé lundi à la surprise générale le successeur qu'il avait lui-même adoubé.

"Je n'arrive à croire que j'ai été évincé sur la base d'une mauvaise performance. J'espère que vous réalisez la situation dans laquelle je me suis retrouvé", confie M. Mistry au conseil d'administration, faisant référence au cadeau en partie empoisonné - un groupe d'envergure mondial mais lourdement endetté - dont il a hérité de M. Tata.

"La tentative de M. Mistry de salir l'image du Groupe au yeux de ses employés est impardonnable", a sèchement rétorqué Tata Sons, l'accusant d'"écarts répétés de la culture et de l'éthique du groupe" depuis son arrivée aux manettes en 2012.

Le chiffre d'affaires du groupe Tata a reculé de 4,6% lors de l'exercice annuel décalé 2015/16, à 103 milliards de dollars.

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