Épaves roulantes: prison pour les 3 professionnels

Trois professionnels de l'automobile ont été condamnés mardi à des peines de prison, dont certaines fermes, pour avoir causé un accident mortel en remettant en circulation une épave roulante mal réparée.

L'expert automobile de 35 ans qui avait autorisé la remise en circulation de cette Clio sportive, classée "véhicule gravement endommagé" (VGE), sans assurer le suivi réglementaire lors des réparations, a écopé de quatre ans de prison, dont deux ferme, et d'une amende de 20.000 euros.

La voiture avait été achetée dans un garage des Hauts-de-Seine par Vivien, 19 ans, début 2014. Quelques jours plus tard, le jeune homme perdait le contrôle de son véhicule sur une route nationale de Milly-la-Forêt (Essonne). Sur le siège passager, son meilleur ami Baptiste était tué sur le coup.

Les gendarmes avaient d'abord mis le drame sur le compte de la vitesse. Mais une contre-expertise judiciaire a permis d'innocenter le conducteur en juin. Sous la carrosserie impeccable de la Clio se cachait en fait un essieu arrière d'occasion desserré et des soudures mal réalisées, responsables de l'accident mortel: la voiture ne pouvait pas dépasser les 40km/h sans danger, selon le rapport.

L'enquête a ensuite révélé une autre histoire. Celle d'une Clio sinistrée, rachetée illégalement et réparée chez lui par le remorqueur d'une casse automobile. Il avait demandé à un ami garagiste son cachet professionnel pour faire authentifier les travaux. Le tout, certifié conforme par un expert peu regardant.

Achetée 1.300 euros à un assureur, l'épave avait été revendue 9.900 euros à Vivien.

Les trois hommes ont été jugés coupables d'homicide involontaire et sont interdits d'exercer toute activité en lien avec l'automobile. Le remorqueur, seul présent lors du délibéré, a été condamné à trois ans de prison, dont un an et demi ferme. Le garagiste et revendeur de la Clio, reconnu seul coupable d'escroquerie, écope lui d'un an de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende.

Le tribunal a prononcé des peines encore plus sévères que celles requises par le parquet, qui souhaitait un jugement "exemplaire".

"C'est une condamnation symbolique. Cela ne changera rien pour les familles, mais ce qui est important, c'est que ça serve d'exemple pour ceux qui seraient tentés par l'argent facile", a réagi Laurent Caruso, l'avocat de la famille de Baptiste.

En 2015, une affaire similaire avait révélé que trois experts du Val-d'Oise avaient remis frauduleusement en circulation 5.000 VGE. Une nouvelle expertise ordonnée par le ministère de l'Intérieur a prouvé que 1.100 d'entre eux étaient des épaves roulantes.

Le jugement de la Clio "peut être une décision emblématique pour la suite à donner aux autres plaintes" dans l'affaire du Val-d'Oise, a estimé Alain Leclerc, l'avocat de Vivien.

Il a par ailleurs appelé à modifier la loi pour assurer une "vraie transparence" lors de la cession d'un véhicule d'occasion, et à "une surveillance réelle des experts".

Sous le coup de ces affaires, la profession s'est dotée d'une déontologie et une commission disciplinaire doit prochainement être réinstaurée par le ministre des Transports.

© 2016AFP