"L'offre a été déposée vers 19h30. Elle se situe exactement là où GMD l'avait annoncé dès le début: 120 salariés", a expliqué l'avocat des salariés de GM&S Jean-Louis Borie. "Je ne peux pas en dire davantage ce soir car il nous faut digérer cette information et en discuter avec les salariés d'abord", a-t-il relevé.
L'annonce du dépôt de cette offre a eu lieu alors qu'une réunion se tenait à Paris entre les syndicats du groupe et le gouvernement.
"Avant de se prononcer sur l'offre, il faut qu'on l'étudie. Nous sommes attachés à nos emplois et à cette entreprise. Il faut que l'on regarde ce qu'il y a dedans. Il y a quand même 157 salariés menacés de licenciement", a réagi le délégué CGT Vincent Labrousse, après la réunion à Paris.
Patrick Brun, un autre syndicaliste CGT, a lui "demandé du temps pour faire en sorte que cette offre s'améliore".
Sans attendre la décision du tribunal de commerce de Poitiers, les syndicats de GM&S ont prévenu qu'une autre réunion avec le gouvernement devait se tenir la semaine prochaine.
Malgré le dépôt de l'offre, les salariés continuaient d'occuper l'usine dans laquelle ils ont allumé depuis le 27 juin des feux avec des palettes et des pneus.
Ils se réuniront vendredi matin, à La Souterraine dans la Creuse, avec leur avocat et les syndicats CGT et FO, pour connaître la décision du Tribunal de commerce.
Le dossier est sensible pour le gouvernement, qui a mis en place une "cellule de crise", conformément aux engagements du président Emmanuel Macron, lequel avait rencontré mi-juin des représentants des salariés de GM&S à l'occasion d'un déplacement en Haute-Vienne.
Les deux groupes automobiles Renault et PSA Peugeot Citroën sont également au coeur d'une éventuelle solution.
Renault compte apporter un soutien financier aux investissements de GMD d'un montant maximal de 5 millions d'euros et s'est engagé à porter ses commandes à un montant de 10 millions d'euros par an.
Jeudi matin, PSA avait précisé à l'AFP qu'il s'engageait sur quatre millions d'euros d'investissements sur le site, tout en confirmant 36 millions d'euros de commandes sur trois ans, soit 12 millions d'euros par an en moyenne.
Le compte ne correspond cependant pas tout à fait aux dix millions d'euros d'investissements annoncés mardi soir par le ministère de l'Economie.
Un point de désaccord persistant reste aussi l'éventuel paiement d'indemnités de licenciement supra-légales pour les salariés qui ne seraient pas repris par le groupe stéphanois GMD.
Accusations de chantage
Mercredi, une rencontre avait eu lieu d'abord entre le président de GMD, des représentants de PSA et Renault, les deux principaux clients de GM&S, et le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie Benjamin Griveaux. Puis le secrétaire d'Etat avait rencontré les délégués syndicaux de l'équipementier dans un hôtel du XVe arrondissement, avant de retrouver les représentants des constructeurs automobiles, puis à nouveau les salariés.
En marge du lancement des soldes dans un grand magasin, tôt le matin, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait demandé au "repreneur de prendre ses responsabilités".
GMD, seul groupe à se montrer intéressé par GM&S, s'est retrouvé en première ligne, la CGT l'accusant de "chantage" en attendant toujours le dépôt d'une offre tangible.
Le syndicat a dit faire "face à un mur", jugeant "inadmissible et indigne" que GMD refuse d'indemniser les futurs licenciés au-dessus du montant fixé par la loi, alors qu'il compte garder moins de la moitié des employés de GM&S.
GM&S, deuxième employeur privé de la Creuse, a déjà passé six mois en redressement judiciaire, son troisième en huit ans. Tant qu'il ne fait pas l'objet d'une offre concrète, il risque la liquidation judiciaire.
Sept mois d'incertitudes et de tensions pour l'équipementier
- Redressement judiciaire - Spécialisée dans l'emboutissage, l'assemblage et la tôlerie, l'entreprise GM&S Industry (ex-Altia), située sur la commune de La Souterraine (Creuse), est placée en redressement judiciaire le 2 décembre 2016 par le Tribunal de commerce de Poitiers. Le site industriel, qui avait été repris en 2014 par un entrepreneur italien, risque la liquidation judiciaire faute de trésorerie suffisante.
- Mobilisations - Le 6 janvier, François Hollande est accueilli lors d'un déplacement à Brive par 200 salariés. Le 23 janvier, une cinquantaine d'entre eux bloquent l'autoroute A20 et, deux jours plus tard, les accès à des sites de Renault et de PSA dans l'Yonne et dans l'Allier.
- Sursis - Le tribunal de commerce de Poitiers décide le 1er février de prolonger la période d'observation pour l'entreprise en redressement jusqu'au 23 mai. "Un sursis supplémentaire bienvenu", commente le délégué CGT, Vincent Labrousse. Le Premier ministre Bernard Cazeneuve promet le 10 février que son gouvernement mettra "tout en oeuvre" pour redonner une "perspective industrielle" à GM&S.
- Blocage - Après s'être invités à Paris, sur les Champs-Elysées, 150 salariés de GM&S bloquent l'accès de l'usine PSA de Poissy (Yvelines) le 19 avril, pour réclamer davantage de commandes. "La production se fait normalement", affirme de son côté la direction de PSA, qui se fait toutefois livrer des pièces par hélicoptère.
- Négociations - Réunion au ministère de l'Économie, le 27 avril, en présence des représentants syndicaux et des représentants des constructeurs Renault et PSA. "Renault et PSA ont décidé de débloquer leur production et de mettre le curseur de notre côté pour certaines productions", déclare Vincent Labrousse. Des discussions s'enchaînent les jours suivants.
- Échec - Mais le 10 mai, les représentants syndicaux annoncent "l'échec des négociations". Dès le lendemain, des salariés commencent à détruire du matériel: ils découpent en deux une presse et écrasent une machine-outil. Selon la CGT, l'usine a été "piégée" à l'aide de bonbonnes de gaz et de bidons d'essence.
- Manifestation - Le 16 mai, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou participent, avec plus d'un millier de personnes, à une manifestation de soutien organisée par la CGT à La Souterraine, après une table ronde infructueuse entre syndicats, constructeurs automobiles et élus.
- Efforts de Bercy - Le nouveau ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'engage le 19 mai à déployer "tous les efforts nécessaires pour garantir l'accroissement des commandes" des constructeurs clients de GM&S.
- Nouveau répit - Le tribunal de commerce de Poitiers prolonge jusqu'au 30 juin la période d'observation de l'entreprise, le temps d'examiner les options de reprise. Les salariés annoncent le 24 mai le "déminage" du site.
- Dialogue musclé le 9 juin entre Emmanuel Macron et les salariés à la sous-préfecture de Bellac (Haute-Vienne). Le président promet de faire "le maximum" avec la mise en place d'une "cellule de crise" pour travailler aux conditions de la reprise.
- Offre de reprise partielle - Les salariés relancent le blocage et l'occupation de leur usine le 13 juin. Le leader français de l'emboutissage GMD dépose une offre de reprise partielle du site avec la promesse de conserver 120 des 277 emplois. Les syndicats s'indignent du montant des indemnités de licenciement envisagé. Renault et PSA s'engagent, eux, par des financements et commandes supplémentaires à soutenir l'offre.
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