L'automobile subit le choc de l'instabilité mondiale

Conflits commerciaux déclenchés par Donald Trump, chute des devises dans les pays émergents, sanctions contre l'Iran, Brexit... L'instabilité internationale ébranle l'industrie automobile qui se réunit à partir de mardi au Mondial de l'Auto à Paris.

L'escalade menace dans l'affrontement entre Washington et Pékin, avec de nouveaux droits de douane sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises décidées par Washington.

Ces nouvelles taxes ne touchent pas directement le secteur automobile. Celui-ci avait déjà subi en juillet des droits de 25% sur les véhicules en provenance de Chine vers les États-Unis, entraînant une hausse des taxes de 40% sur les voitures exportées des États-Unis vers la Chine. Mais elles éloignent la perspective d'une détente.

"Les tensions commerciales et les menaces d'escalade ont ébranlé les constructeurs automobiles", relèvent les analystes de S&P global Ratings, dans une note récente. Plusieurs d'entre eux ont en effet investi massivement en Chine, pas seulement pour fournir le marché local, mais aussi pour l'utiliser comme une base d'exportation. C'est notamment le cas de Volvo, General Motors ou Ford.

"Ces constructeurs vont probablement revoir leur stratégie mondiale de production et de chaîne logistique", pour localiser davantage leurs usines près de leurs marchés, "mais avec un impact sur les coûts", estime S&P.

BMW a revu à la baisse cette semaine ses prévisions de résultats pour 2018, en évoquant notamment les risques d'escalade dans la guerre commerciale. Certains modèles de la marque bavaroise, fabriqués aux États-Unis et exportés vers la Chine, sont désormais taxés à 40%.

Son compatriote Daimler avait fait de même au début de l'été pour tenir compte de l'impact négatif des taxes chinoises sur ses 4X4 importés des États-Unis.

Des taxes américaines visant les importations de voitures fabriquées en Europe ont été pour l'instant écartées, mais la menace déjà brandie par Donald Trump pourrait ressurgir si les deux blocs ne parviennent pas à régler leurs différents commerciaux.

Les taxes déjà imposées sur l'acier et l'aluminium importés aux États-Unis ont provoqué des surcoûts pour les groupes automobiles qui y sont implantés.

 

Mauvais timing

Ces incertitudes arrivent au pire moment. Les constructeurs sont déjà affectés par la chute des devises de plusieurs pays émergents, victimes de la remontée des taux américains.

En outre, le marché automobile chinois, le premier au monde avec un tiers des immatriculations mondiales, commence à montrer des signes de faiblesses. Sa hausse annuelle se limitait à 2,6% à fin août après deux mois de baisse consécutive.

Le marché américain, le deuxième mondial, stagne, alors qu'un retournement de cycle semble proche aussi en Europe, actuellement à ses plus hauts niveaux historiques.

S'ajoute la menace d'un Brexit dur, c'est-à-dire une sortie désordonnée du Royaume-Uni de l'Union européenne qui pourrait se traduire par de nouvelles barrières douanières. Or, le Royaume-Uni est le premier marché d'exportation en volume pour les fabricants allemands, le premier en valeur étant les États-Unis.

Les constructeurs français, PSA et Renault, ont perdu en août l'un de leurs premiers marchés internationaux, l'Iran, avec l'embargo imposé par Washington pour faire pression sur Téhéran, accusé de vouloir se doter de l'arme nucléaire.

L'industrie est en mesure de s'adapter, comme elle l'a déjà fait par le passé, souligne cependant Jean-François Doulet, spécialiste des mobilités et auteur de l'Atlas de l'automobile. "La conséquences des conflits commerciaux, c'est que plus que jamais les constructeurs doivent être agiles, être capables de naviguer comme un poisson entre les mailles du filet des taxes commerciales", explique-t-il.

"Bien sûr que l'industrie automobile va s'adapter. Mais est-ce qu'elle va s'adapter facilement et quel en est le coût ?", interroge Guillaume Crunelle, responsable automobile chez Deloitte. "Quand vous construisez une usine, c'est pour 50 ans. Les constructeurs automobiles investissent d'énormes capitaux, avec une rentabilité contrainte. Donc ils ont besoin d'une chose pour fonctionner, c'est de visibilité", souligne l'expert.

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