Quand elle a appris il y a un peu plus d'un an sa promotion, cette Japonaise, aujourd'hui âgée de 51 ans, ne s'y attendait pas du tout.
"Un jour, j'ai été convoquée à une réunion, mais je ne savais pas ce qui allait s'y passer, simplement que le PDG Akio Toyoda serait là", raconte-t-elle dans un entretien à l'AFP, réalisé en décembre à Kasumigaseki, en banlieue de Tokyo.
"C'était un samedi ou un dimanche matin, nous étions une dizaine dans la salle. J'ai été vraiment surprise, perplexe même", sourit Mme Kako. "Je me suis dit: c'est un défi pour moi, mais aussi pour la compagnie" qui désignait là la seule femme à une telle position, trois ans après avoir essuyé un échec dans sa stratégie d'ouverture.
En 2015, l'Américaine Julie Hamp, tout juste promue directrice de la communication, avait été arrêtée sur des soupçons d'importation d'un médicament antidouleur classé comme stupéfiant au Japon. Elle avait dû démissionner.
"Chance"
Pour Chika Kako, cette promotion marquait l'aboutissement d'un parcours sans faute chez Toyota, entamé en 1989, dès sa sortie de l'université.
La jeune étudiante s'est retrouvée au sein du prestigieux groupe automobile un peu par hasard. Elle n'avait jamais imaginé travailler dans ce secteur, mais voulait poursuivre, après son diplôme, "ses recherches et expériences dans le domaine de la chimie des surfaces". Et sa ville natale était située près de Toyota city, où se trouve le siège du constructeur dans la région de Nagoya (centre).
Rien, dans son enfance, ne la destinait à un tel parcours, ni sa mère, femme au foyer, ni son père médecin, si ce n'est qu'il passait son temps à "fabriquer, créer quelque chose, réparer de vieux appareils photos, faire des objets en céramique, des pipes en bois".
"Mes parents ne m'ont jamais vraiment encouragée" à faire carrière, confie-t-elle.
Mais "par chance, j'étais là" au bon moment: "j'ai fait partie de la première génération de filles à être recrutées en tant qu'ingénieur", explique-t-elle. Avant 1986, date de l'adoption d'une loi pour promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes dans les entreprises, les salariées étaient en effet cantonnées à un rôle d'assistantes.
Une bonne étoile et de l'audace aussi: "à l'époque, les postes à l'étranger étaient réservés aux hommes mariés avec famille", dit-elle. "J'ai protesté, disant que je voulais moi aussi partir et j'ai obtenu gain de cause", là encore une première.
2% de femmes managers
En 2001, Chika Kako est envoyée en Europe, une expérience qu'elle juge déterminante. "Si je n'étais pas allée à Bruxelles, je ne serais probablement pas devenue ingénieure en chef".
Elle y a appris "le luxe comme art de vivre", ce qui a complètement "changé sa façon de concevoir l'intérieur des véhicules".
Promue en janvier 2018 numéro deux de Lexus International, division haut de gamme de Toyota, avec sous sa supervision "plusieurs centaines de salariés", Mme Kako a conclu l'année en beauté en présentant la dernière née de la gamme (Lexus UX) après quatre ans de gestation.
Un travail qu'elle compare à celui d'un "chef d'orchestre": elle dit écouter, "communiquer" beaucoup, et dit ne pas avoir eu à subir le sexisme, pourtant si prégnant dans les entreprises et le monde politique japonais.
"En fait, être une femme n'est pas vraiment un problème", assure-t-elle, jugeant plus compliqué par exemple "d'apprendre à conduire sur un circuit de course et d'évaluer les performances des automobiles pour savoir ce que je dois améliorer en tant qu'ingénieur".
Début janvier, Chika Kako a perdu son statut unique pour redevenir une simple "manager", dans le cadre d'une réorganisation abaissant le nombre de hauts dirigeants de 55 à 23, des hommes uniquement.
Même à ce rang inférieur, les femmes ne sont pas nombreuses dans un pays où les entreprises exigent un tel dévouement des cadres supérieurs qu'il est difficile de concilier de telles ambitions professionnelles avec une vie familiale.
Début 2018, elles étaient seulement 186, soit 2% du total. Toyota veut porter ce chiffre à 300 en 2020, et 500 en 2050.
Il a aussi nommé en mars 2018 pour la première fois une femme dans son conseil d'administration, Teiko Kudo, en tant que membre extérieur.
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