Au Maroc, les indicateurs d'un ralentissement économique

Croissance en berne, déficit commercial qui se creuse: indicateurs et rapports alertent sur le ralentissement économique au Maroc, avec une croissance de 2,7% prévue en 2019, contre 3% en 2018 et 4% en 2017, en raison de prévisions "moyennes" dans l'agriculture.

La Banque centrale marocaine table, elle aussi, sur une croissance de 2,7% en 2019, dans un pays qui cherche en vain un "nouveau modèle de développement" pour se relancer et réduire les disparités.

La raison du ralentissement est qu'"après deux bonnes années successives, la saison agricole 2018-2019 s'annonce moyenne", selon des données publiées par le Haut-commissariat au plan (HCP), organisme statistique national, dernier en date à tirer la sonnette d'alarme cette semaine.

Or, "la croissance nationale continue d'être très dépendante de l'agriculture et des aléas du climat même si des investissements", ayant notamment permis une modernisation des systèmes d'irrigation et le développement de la micro-irrigation, "ont réduit (...) cet effet", explique à l'AFP Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au plan.

L'agriculture est le premier contributeur au Produit intérieur brut (14%), devant le tourisme et l'industrie. Au Maroc, le PIB est donc corrélé à ce secteur tributaire des caprices du climat.

Théodore Steeg, résident général à la fin des années 1920, du temps du protectorat français, avait résumé cette corrélation d'une formule devenue célèbre: "Au Maroc, gouverner c'est pleuvoir". Des décennies plus tard, la croissance oscille toujours au gré des précipitations.

En 2008, le Maroc a lancé une ambitieuse stratégie agricole, le Plan Maroc Vert (PMV), destinée à améliorer les moyens de production et les revenus des petits agriculteurs.

Mais son bilan reste mitigé et rien ne permet de pondérer les caprices météorologiques.

 

Déficit commercial

Dans le même temps, ce pays de 35 millions d'habitants s'efforce de diversifier son économie.

Il mise en particulier sur les investissements étrangers dans l'industrie, en mettant en avant sa stabilité, la proximité des marchés européens, les coûts compétitifs de sa main d'oeuvre et les avantages fiscaux et douaniers liés aux zones franches qu'il a mises en place.

Le HCP estime néanmoins que "le secteur industriel, qui semble être la clé de la relance économique, peine à accentuer sa part dans le PIB" malgré "l'installation de nouveaux opérateurs dans les activités des +métiers mondiaux+", c'est à dire les emplois industriels générés par la mondialisation de secteurs comme ceux de l'automobile et l'aéronautique.

Depuis 2005, des plans de développement portant sur la création de zones offshore et l'arrivée d'investisseurs étrangers ont connu un certain succès.

Renault a ouvert une immense usine près de Tanger en 2012, PSA lui a emboîté le pas tout récemment à Kénitra. Ils ont attiré dans leur sillage des équipementiers automobiles qui se sont également implantés au Maroc.

L'aéronautique s'est également développée dans une zone dédiée près de Casablanca. Toute cette stratégie a été renforcée avec le lancement d'un nouveau plan sectoriel appelé le "Plan d'accélération industrielle 2014-2020".

Mais, "l'intérêt porté à ces +métiers mondiaux+ ne devrait pas se faire au détriment des autres secteurs industriels classiques, notamment l'agroalimentaire et le textile", préconise le HCP.

En effet, l'agroalimentaire et le textile n'ont pas bénéficié de la même dynamique. Or ce sont deux secteurs industriels implantés au Maroc depuis des décennies, et bénéficiant traditionnellement d'un savoir-faire local.

 

"Faible compétitivité"

M. Lahlimi souligne d'autre part un problème de "faible compétitivité" dans l'activité non agricole.

"Les importations augmentent et notre offre n'est pas compétitive, ce qui a un impact très important sur notre commerce extérieur, marqué par un déficit de la balance commerciale."

Ce déficit s'est alourdi de 8% en 2019, pour s'établir à 204 milliards de dirhams (18,5 milliards d'euros), selon les données de l'Office des changes.

"Le Maroc est-il condamné à une croissance molle?", s'interrogeait mercredi le quotidien L'Economiste.

"Le ralentissement de l'économie marocaine n'est plus à démontrer", soulignait le site d'information Leboursier.ma, en rappelant que "le pays est passé d'une croissance moyenne de 4,5% durant la première décennie des années 2000 à une moyenne de moins de 3,5% depuis 2010".

Le royaume reste par ailleurs marqué par des inégalités sociales et territoriales, sur fond de chômage élevé parmi les jeunes.

La recherche d'un "nouveau modèle de développement" pour réduire ces disparités et relancer la croissance mobilise depuis deux ans toutes les instances, sans pour l'instant dégager de ligne claire.

Le patron du HCP préconise "un débat national pour définir une feuille de route" axée sur le "patriotisme économique".

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