Délocalisations: l'automobile française championne de l'emploi... à l'étranger (étude)

À l’heure où la crise sanitaire met en lumière nos difficultés d’approvisionnement, France Stratégie publie un diagnostic approfondi de la désindustrialisation en France. Ce rapport pointe notamment l’impact des prélèvements obligatoires pénalisants, les efforts faits depuis une dizaine d’années pour y remédier et améliorer l’environnement des entreprises industrielles, avec des focus sur sept secteurs, dont bien sûr l'automobile...

Les grandes entreprises françaises sont devenues des championnes de la délocalisation à partir des années 2000, au détriment de l'emploi industriel, selon un rapport de France Stratégie remis jeudi à l'Assemblée nationale.

Ce rapport de 600 pages intitulé "Les politiques industrielles en France, évolutions et comparaisons internationales" revient sur les raisons du déclin de l'industrie française, la France étant devenue, avec le Royaume-Uni, l'économie la plus désindustrialisée du G7.

Depuis 1980, l'industrie française a perdu la moitié de ses effectifs et ne représente plus aujourd'hui que 10,3% du total des emplois. La part de l'industrie dans le PIB s'établissait à 13,4% en 2018, contre 25,5% en Allemagne, 19,7% en Italie ou 16,1% en Espagne.

Les raisons de ce déclin tiennent principalement, selon le rapport, à une "fiscalité particulièrement élevée sur les facteurs de production". Ce à quoi le gouvernement veut remédier en baissant les impôts de production à hauteur de 20 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance.

"Une inflexion importante", a commenté Gilles de Margerie, le commissaire général de France Stratégie, lors d'une conférence de presse, "qui s'inscrit dans la continuité du CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, NDLR), du Pacte de responsabilité et de l'allégement global des prélèvements obligatoires qui pèse sur le secteur industriel".

Cette fiscalité élevée, couplée à une dérive du coût du travail "indirect" - c'est-à-dire les coûts salariaux dans les secteurs qui fournissent des composants ou des services à l'industrie - a entraîné une dégradation de la compétitivité de l'industrie française.

Elle aurait pu faire le choix, comme l'Allemagne, d'une montée en gamme de ses produits, mais elle a plutôt opté par une délocalisation des sites de production, avance le rapport.

En effet, le tissu industriel français était composé plus qu'ailleurs de grandes entreprises, "celles-ci ont tiré plus fortement avantage de leur capacité à produire dans des pays à faibles coûts pour compenser la dérive des coûts en France par rapport à leurs concurrents".

"Les grandes entreprises françaises sont donc devenues les championnes de la délocalisation, ce qui leur a permis de maintenir leur compétitivité au niveau mondial, mais au détriment de l'emploi industriel en France".

Ainsi, l'emploi des filiales industrielles à l'étranger des groupes français représente 62% de l'emploi industriel en France, contre 52% au Royaume-Uni, 38% en Allemagne, 26% en Italie et 10% en Espagne.

L'exemple du secteur automobile illustre ce paradoxe d'un "pays qui compte de grands constructeurs mondiaux" comme Renault ou PSA, "mais une industrie qui s'est beaucoup affaiblie" par rapport à sa voisine allemande, a souligné Gilles de Margerie.

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