ZFE : vers des contrôles automatisés en 2024

Des radars anti-pollution dans les zones à faible émission (ZFE) ? Le gouvernement a esquissé mardi le principe de contrôles automatisés pour sanctionner les véhicules trop polluants d'ici le second semestre 2024, afin de garantir la qualité de l'air dans les aires urbaines. Et ce, alors même que les ZFE se déploient encore en ordre dispersé...

Les Zones à faible émission (ZFE, ou ZFEm) "sont une nécessité pour des raisons écologiques et de santé publique", a insisté le ministre délégué aux Transports Clément Beaune. Actuellement, 11 agglomérations ont déjà mis en place des restrictions pour les véhicules polluants, dont Paris et la petite couronne où les Crit'Air 4 et 5 n'ont théoriquement plus le droit de rouler.

Jusqu'à présent, aucune sanction n'a été prise. "Il faut faire le maximum pour que le contrôle sanction automatisé soit développé le plus rapidement possible", a insisté Clément Beaune, appelant à réaliser des contrôles en attendant.

Y aura-t-il des portiques ou des caméras pour effectuer les contrôles automatisés ? Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu assure que les "caractéristiques techniques des projets retenus seront présentées lorsqu'ils seront connus".

Les contrevenants s'exposeront à une contravention de classe 3, soit une amende forfaitaire de 68 euros, a précisé le ministère de la Transition écologique.

 

Temps perdu

"Il ne peut pas y avoir de ZFE efficace sans capacité de contrôle des véhicules autorisés ou non à circuler. L'annonce par le gouvernement de l'instauration de sanctions automatisées (...) est tardive. Dont acte", a réagi l'association France urbaine, qui représente les grandes villes et métropoles.

"L'État a perdu du temps", a-t-elle déploré.

"Cela fait neuf ans qu'on parle des ZFE et neuf ans qu'on sait qu'elles sont essentielles pour nos concitoyens et en particulier pour les plus pauvres", a rappelé l'adjoint à la maire de Paris, David Belliard.

Santé publique France estime que chaque année 40.000 décès sont liés aux particules fines. "Il y a une absence de volonté politique, chaque mois de retard ce sont des morts en plus", a tonné David Belliard, appelant à la mise en place de contrôles le plus rapidement possible mais aussi de mesures d'accompagnement pour les ménages les plus modestes.

A l'horizon 2025, ce sont 43 agglomérations d'au moins 150.000 habitants qui seront concernées. Si les collectivités locales ont toute latitude pour décider du calendrier et du périmètre des restrictions, un calendrier progressif d'interdiction de circulation est bien prévu pour les villes qui dépassent les seuils européens de qualité de l'air.

 

Verdir les véhicules

Dès le 1er janvier 2023, les véhicules Crit'Air 5 (véhicules diesel produits avant 2001) y seront interdits. Au 1er janvier 2024, ce sera au tour des Crit'Air 4 (diesel avant 2006) puis des Crit'Air 3 (diesel avant 2011 et essence avant 2006) le 1er janvier 2025.

Pour permettre aux ménages de s'adapter, le gouvernement prévoit des aides pour le verdissement des véhicules. Comme annoncé par Emmanuel Macron lors du Mondial de l'automobile, le bonus écologique pour l'achat d'un véhicule électrique va être porté de 6.000 à 7.000 euros pour la moitié des Français les plus modestes.

La prime à la conversion, qui peut aller jusqu'à 5.000 euros, sera augmentée de 1.000 euros pour les habitants des ZFE. Enfin, le développement du prêt à taux zéro allant jusqu'à 30.000 euros pour l'achat d'un véhicule neuf ou le leasing à 100 euros par mois pour une voiture électrique à partir de 2024, font aussi partie des aides mises sur la table.

"Mis bout à bout, l'ensemble de ces dispositifs représente un effort incomparable en Europe", a insisté Clément Beaune. "Ce sont 1,2 milliard qui seront consacrés au verdissement des véhicules en 2023", a-t-il précisé.

Le comité de suivi des ZFE a également annoncé le lancement d'un "groupe de travail sur les ZFE maritimes" pour prendre en compte la pollution produite par l'activité maritime dans des villes comme Marseille ou La Rochelle.

Conséquence de ces annonces, le report de l'interdiction permanente des véhicules Crit'Air 3 de juillet 2023 à 2024 en Île-de-France sera soumis au vote du conseil métropolitain, a indiqué à l'AFP Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris.

"Il sera nécessaire de la reporter pour que les gens puissent disposer d'une année supplémentaire pour pouvoir changer de véhicule", a-t-il estimé, se disant "heureux de ces annonces", tout en jugeant "raisonnable de ne pas mettre des personnes face à des contraintes insupportables".

 

ZFE en ordre dispersé

Les zones à faibles émissions (ZFE, ou ZFEm) se mettent en place en ordre dispersé, avant leur généralisation, prévue par la loi, le 31 décembre 2024 dans les 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants de France métropolitaine.

Les ZFE concernent d'ores et déjà 11 agglomérations françaises, dont les premières ont été Lyon, Grenoble et Paris. Elles visent à interdire progressivement les véhicules les plus polluants.

Les conditions sont variables selon les agglomérations: les périmètres se limitent à l'hypercentre ou englobent la majorité de l'agglomération, le rythme d'application et les aides financières changent, les deux-roues sont concernés ou non.

Un calendrier national de restrictions de circulation des automobiles est prévu pour les villes qui dépassent les seuils européens de qualité de l'air: Crit'Air 5 en 2023, Crit'Air 4 en 2024, Crit'Air 3 en 2025.

Mais les agglomérations qui respectent les seuils de l'OMS, plus exigeants que les valeurs limites européennes actuelles, ou qui "proposent des mesures alternatives d'effet équivalent", pourront déroger à la mise en place d'une ZFE, a précisé le ministère de la Transition écologique.

 

Paris, Lyon, Marseille

La plus grande ZFE, celle du Grand Paris, concerne les 77 communes entourées par l'A86. Elle restreint la circulation des véhicules catégorisés Crit'Air 5, 4 et non classés (c'est-à-dire les véhicules diesel fabriqués avant 2006, essence avant 1997), du lundi au vendredi de 8H à 20H.

Cette restriction reste théorique pour l'instant, faute de sanctions. Et son durcissement (aux véhicules diesel produits jusqu'en 2010 et essence jusqu'en 2005) a été repoussé au 1er juillet 2023.

Les agglomérations de Lyon et Rouen bannissent depuis le 1er septembre les voitures Crit'Air 5, tout comme Marseille, qui prévoit d'effectuer des premiers contrôles début 2023.

Reims interdit aussi son centre-ville et une voie qui le longe aux Crit'Air 5, puis aux Crit'Air 4 à partir du 1er janvier 2023.

Strasbourg, qui disposait déjà d'une "mini ZFE" appliquée aux poids lourds dans l'hypercentre, a interdit les véhicules Crit'Air 5 et les non-classés sur tout le territoire de l'agglomération le 1er janvier. Cette première année y est considérée comme pédagogique: il n'y aura pas de verbalisation avant le 1er janvier 2023, mais des contrôles visant à expliquer la mesure.

La décision la plus radicale, soit l'interdiction des Crit'Air 2 (tous les diesel, et les essence produits avant 2011), devra être prise au plus tard en 2027 pour une application éventuelle en 2028.

L'Eurométropole de Strasbourg a adopté une enveloppe de 50 millions d'euros d'aides, cumulables avec les aides nationales, pour accompagner particuliers et professionnels vers des mobilités alternatives à la voiture individuelle.

 

Aides diverses

Les aides prévues diffèrent d'ailleurs selon les endroits. Montpellier, qui a interdit les Crit'Air 5 le 1er juillet, mise surtout sur le développement et la gratuité des transports en commun pour les habitants, ainsi que sur une dérogation pour les automobilistes qui roulent moins de 8.000 kilomètres par an.

A Nice, la ZFE est officiellement née le 31 janvier 2022 dans le centre et sur la Promenade des Anglais. Elle ne concerne pour l'instant que les poids lourds polluants. L'extension progressive aux voitures est prévue à partir du 1er janvier 2023.

Toulouse a commencé aussi par bannir les camions, fourgons et fourgonnettes les plus polluants du coeur de l'agglomération. Les voitures et deux-roues certifiés Crit'air 4, 5 et non classés (les véhicules les plus vieux) seront interdits à partir du 1er janvier 2023.

D'autres villes ont choisi de prendre leur temps.

A Lille, les élus avaient voté en 2019 le principe d'une ZFE couvrant 11 communes, mais elle devrait finalement être étendue. Une "étude de préfiguration" est en cours et devra déboucher sur une mise en place en 2024 au plus tard.

A Bordeaux, les consultations ont commencé cette année pour une mise en place entre 2023 et 2024.

© 2022AFP