Une usine ultra-moderne de semi-conducteurs va voir le jour dans l'ouest de l'Allemagne, première nation industrielle d'Europe où l'américain Wolfspeed va investir environ deux milliards d'euros, sur un marché dominé par la Chine.
L'usine produisant des semi-conducteurs en plaques de 200 mm, prévue à Ensdorf en Sarre, région frontalière de la France, "sera la plus grande au monde (...) pour produire des dispositifs en carbure de silicium (SIC) de nouvelle génération", selon un communiqué du groupe.
L'industrie automobile allemande, pilier de la première économie européenne, a un besoin massif de ces composants électroniques indispensables pour réussir son passage au tout électrique puis à la conduite autonome. Des applications sont aussi prévues dans l'éolien et la photovoltaïque.
L'emplacement choisi est symbolique car l'usine remplacera une centrale à charbon désaffectée, avec à la clé la création d'un millier d'emplois dédiés à accélérer le passage vers une économie décarbonée.
Wolfspeed devrait investir environ 2 milliards d'euros dans ce projet, en espérant recevoir un demi-milliard d'euros de subventions publiques, selon les déclarations mercredi de son patron Gregg Lowe au quotidien Handelsblatt.
- Signal de départ -
C'est "un signal de départ pour autant de nouveaux projets industriels innovants que possible (...) après une phase économiquement difficile" en Allemagne, liée aux retombées de la guerre en Ukraine, s'est félicité le ministre de l'Economie Robert Habeck lors d'une conférence de presse en Sarre aux côtés du patron de Wolfspeed.
Le chancelier Olaf Scholz a loué un projet qui "apportera également une contribution significative à l'approvisionnement fiable de l'industrie européenne en semi-conducteurs".
L'UE cherche à devenir un acteur majeur dans la fabrication des puces électroniques dominée par les producteurs asiatiques. L'an dernier, Bruxelles avait annoncé un plan de 43 milliards d'euros visant à conquérir 20% du marché mondial des semi-conducteurs en 2030, en octroyant notamment des aides aux investisseurs.
L'investissement de Wolfspeed devrait d'ailleurs s'inscrire dans le cadre d'un Projet important d'intérêt européen commun (PIIEC).
L'Allemagne est déjà une place forte de la production de semi-conducteurs en Europe, avec des groupes comme Bosch et Infineon, qui a récemment annoncé l'implantation d'une nouvelle usine à Dresde, dans l'est du pays.
Le géant américain des semi-conducteurs Intel a aussi choisi l'Allemagne pour annoncer l'an dernier l'installation d'une usine de pointe à Magdebourg (nord-est).
L'annonce de Wolfspeed intervient également au moment où Bruxelles veut riposter aux aides massives prévues par l'Inflation Reduction Act (IRA) américain pour les entreprises implantées aux Etats-Unis dans le secteur des véhicules électriques ou des énergies renouvelables, qui provoquent de vives inquiétudes pour la compétitivité du tissu industriel européen.
Comparés aux puces en silicium utilisées jusqu'à présent, les semi-conducteurs en carbure de silicium offrent une plus grande puissance aux moteurs électriques, offrant des débouchés énormes dans le secteur automobile.
- Pénurie mondiale -
L'équipementier automobile allemand ZF a de son côté annoncé mercredi un investissement en "centaines de millions" d'euros pour accompagner le projet de Wolfspeed, de quoi financer un centre de recherche et développement commun en Allemagne dans les systèmes au carbure de silicium.
Pour le groupe américain, ce projet d'usine européenne représente "une partie importante" d'un plan plus large de 6,5 milliards de dollars pour gonfler ses capacités de production, avec d'autres projets achevés ou en cours dans les Etats américains de Caroline du Nord et de New York.
Le présent projet est primordial pour l'industrie car "la demande mondiale de puces SIC connaît une croissance exponentielle parallèlement aux ventes mondiales de voitures électriques", souligne Ferdinand Dudenhöffer, expert du secteur automobile et directeur du Center Automotive Research à Duisbourg.
L'industrie mondiale souffre d'une pénurie de ces précieux composants dont la demande est supérieure à l'offre, un manque encore aiguisé par les perturbations logistiques liées au Covid-19.
La pénurie persistante de semi-conducteurs pourrait amener un recul de la production automobile de 20% d'ici 2026 si aucune contre-mesure n'est prise, a récemment averti le lobby automobile allemand VDA.
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