Voitures autonomes: début du procès Google / Uber

Un procès opposant Uber à Waymo, filiale "conduite autonome" d'Alphabet/Google, s'ouvre lundi à San Francisco: le second accuse le premier de vol de technologies, et lui réclame un milliard de dollars.

Les débats, qui s'ouvrent après deux reports et des mois de bataille juridique par avocats interposés, pourraient voir témoigner le sulfureux ex-patron d'Uber, Travis Kalanick, ainsi que les deux fondateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page, qui figurent tous trois dans la liste des personnes appelées à la barre.

L'enjeu est d'autant plus grand pour les deux groupes de la Silicon Valley que la conduite autonome est considérée comme le Graal en matière de transports, tous les gros constructeurs automobiles et de nombreuses entreprises technologiques s'étant lancés dans une course de vitesse à qui mettra en premier sur les routes à grande échelle des voitures sans chauffeur.

Tout a commencé l'an dernier, avec une plainte de Waymo (ex-Google Car) accusant un de ses anciens responsables, Anthony Levandowski, d'être parti fin 2015 avec des milliers de documents techniques avant d'aller fonder sa propre startup, Otto.

Otto avait été ensuite été rachetée par Uber et Anthony Levandowski avait pris la tête du programme "conduite autonome" d'Uber.

"Waymo a fourni un dossier convaincant selon lequel M. Levandowski a dérobé plus de 14.000 dossiers de Waymo, et selon lequel Uber le savait, ou aurait dû le savoir lorsqu'il a intégré l'entreprise", avait alors estimé le juge William Alsup, qui présidera le procès.

Le juge avait alors ordonné à Uber de restituer les documents en question dans un délai imparti mais l'entreprise avait renvoyé M. Levandowski juste avant la date butoir.

Selon Waymo, considérée comme l'une des entreprises les plus avancées en matière de conduite autonome, M. Levandowski avait récupéré les fichiers stockés sur un serveur confidentiel de l'entreprise. Pour Waymo, ce vol était "calculé" et a permis à Otto de se vendre pour 500 millions de dollars à Uber, qui a ainsi pu relancer son propre programme de conduite autonome.

Durant le procès, qui pourrait durer trois semaines, Waymo devra apporter la preuve que ces documents sont arrivés entre les mains d'Uber.

 

Débats techniques

Il devra aussi prouver que les fichiers contenaient bien des secrets commerciaux, qu'Uber les a utilisés ou diffusés et enfin que le groupe s'est "enrichi de façon indue" grâce à eux.

Les débats, qui s'annoncent très techniques, porteront précisément sur huit technologies, qui n'ont pas été dévoilées pour l'instant.

Le juge Alsup avait retardé à deux reprises le procès, la deuxième fois début décembre parce que venait de faire surface un témoignage d'un ancien responsable d'Uber évoquant un système organisé au sein de l'entreprise destiné à cacher des activités frauduleuses, comme l'espionnage de ses concurrents.

Ce procès s'ouvre enfin alors qu'Uber tente précisément de se défaire d'une image désastreuse forgée à coup de scandales sous la direction de son ancien patron et fondateur Travis Kalanick, connu pour son tempérament impétueux et poussé à la démission en juin par des investisseurs inquiets.

Son successeur Dara Khosrowshahi a du pain sur la planche pour redorer le blason du groupe et le préparer à une entrée en Bourse en 2019.

Outre le feuilleton judiciaire avec Waymo et le psychodrame qui a suivi la démission forcée de M. Kalanick, l'année 2017 a été difficile pour Uber, visé par plusieurs enquêtes fédérales aux Etats-Unis, portant notamment sur l'utilisation de logiciels illégaux ou la corruption de responsables étrangers.

Uber, qui perd encore des centaines de millions de dollars par trimestre, est aussi aux prises dans plusieurs pays à des difficultés avec les taxis traditionnels (en France notamment) et aux régulateurs des transports, comme à Londres, où il a perdu sa licence. En décembre, la justice européenne a décidé qu'Uber devait être soumis aux mêmes réglementations que les taxis.

En outre, le groupe américain a révélé cet automne le piratage des données personnelles de 57 millions d'utilisateurs, ce qui lui vaut là encore des enquêtes en cascade.

Signe positif pour Uber cependant fin 2017: un consortium mené par le groupe japonais SoftBank a massivement investi pour acquérir 15% du groupe, donnant à Uber une valeur théorique 48 milliards de dollars.

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