Vers l'ubérisation du commerce VO?

Exploitation systématique des données des petites annonces, tentatives d'"ubériser" les négociants et transactions par smartphone: le numérique, après la vague d'internet, veut encore davantage optimiser le secteur des voitures d'occasion.

Les acteurs traditionnels se sont déjà adaptés à la nouvelle donne d'un marché de 5,6 millions d'unités annuelles, presque le triple des immatriculations de voitures neuves en 2015.

"Notre métier est totalement révolutionné par internet", explique à l'AFP le président de la commission des voitures d'occasion au Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), Claude Fournis, évoquant un chiffre de 94% de clients dirigés vers une occasion grâce au web.

En 2015, 2,2 millions d'occasions ont transité par les professionnels, le solde passant de particulier à particulier. "Leboncoin.fr" y règne devant "Lacentrale.fr". Les professionnels utilisent aussi ces sites.

Le marché est devenu national. Un client va "faire 150 km pour trouver une Ford Fiesta d'un modèle précis", un effort qui n'existait auparavant que pour des voitures rares, témoigne M. Fournis.

A l'instant "t", le marché de l'occasion en France, "c'est 950.000 véhicules, avec tout et n'importe quoi dedans", observe Antoine Piombino, co-fondateur d'Autovisual.

Cette start-up exploite un algorithme qui interprète toutes les annonces en ligne - "une mine d'or de données" - pour déterminer le prix médian d'un modèle précis et aider ainsi les acheteurs y voir plus clair.

Des entrepreneurs du numérique s'attaquent désormais au coeur de l'activité des professionnels: les occasions de moins de sept ans et 120.000 km. Ils veulent réduire les intermédiaires en "ubérisant" une activité qui souffre parfois d'une mauvaise image.

Une récente enquête de la Répression des fraudes a pointé des "anomalies" dans près de la moitié des commerces d'automobiles d'occasion inspectés. Le CNPA, qui dit lutter pour assainir le secteur, a regretté que Bercy jette ainsi le discrédit sur l'ensemble de la profession.

Les négociants d'un nouveau type font l'impasse sur les locaux, le stock et autres générateurs de frais qui peuvent atteindre 30% du prix, tout en préservant selon eux les motivations des clients s'adressant aux "pros".

 

Le meilleur des deux mondes?

"On va offrir tous les services qu'un professionnel apporte, en terme de facilité et de sécurité, au prix du marché particulier, tout ça grâce à un modèle 100% numérique", assure Fabien Gagnot, co-fondateur de la jeune société Carizy.com dans laquelle viennent d'investir les assureurs Macif et Matmut.

Se positionnant comme un "tiers de confiance", elle garantit aux vendeurs une fourchette de prix. La voiture est expertisée avant d'être mise en vente avec une garantie minimum de trois mois, et la solvabilité de l'acheteur est vérifiée.

M. Gagnot se dit persuadé que l'occasion constitue "un domaine où les possibilités d'acquisition autour du numérique n'ont pas été toutes explorées".

"C'est l'un des deux gros marchés avec l'immobilier qui n'a pas connu de transformation depuis très longtemps", renchérit Louis-Gabriel de Causans, président d'une "jeune pousse" sur le même créneau, Kyump.

"On s'est affranchis de tous les coûts pour ne garder que ceux qui ont une valeur ajoutée pour les particuliers", explique-t-il, assurant se contenter d'une commission de 5%. Chaque voiture est là aussi inspectée et garantie et l'acheteur peut se faire livrer la voiture à domicile.

"Rendre le plus simple et accessible possible une opération de vente", tel est également le mantra d'Aramisauto.com, poids lourd français et spécialiste de la vente sur internet: 30.000 voitures et 400 millions d'euros de chiffre d'affaires attendus en 2016.

Les vendeurs peuvent proposer leur voiture via une application sur téléphone, un canal qui représente "une part significative des reprises que l'on fait", selon son directeur associé Guillaume Paoli.

Un prix de reprise est communiqué dans les deux heures et en cas d'accord un versement s'effectue sous 24 heures. L'entreprise, qui reconditionne les occasions avant de les revendre, propose aussi la récupération et la livraison à domicile.

M. Paoli, s'il remarque que le secteur a changé de visage "grâce à l'essor du mobile et aux nouveaux outils de manipulations de données" numériques, estime que les magasins restent importants. Mais ses clients peuvent aussi y inspecter sur écran géant des voitures stockées loin de là.

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