Les voitures à batterie ont représenté 12,1% des ventes de voitures neuves sur l'année, contre 9,1% en 2021, ou 1,9% en 2019, selon les chiffres publiés mercredi par l'Association des constructeurs européens (ACEA).
Sur un marché automobile freiné depuis la pandémie par les problèmes logistiques, effondré au même niveau qu'en 1993, les ventes d'électriques ont augmenté de 28% par rapport à 2021, avec plus de 1,1 million de véhicules écoulés.
Ces ventes ont notamment été tirées par le marché allemand, où elles ont accéléré en fin d'année, juste avant une baisse des bonus à l'achat.
Les électriques ont également eu beaucoup de succès en Suède ou en Belgique.
En Norvège, un record de quatre voitures neuves sur cinq (79%) étaient électriques. Le royaume, gros producteur de pétrole, a pour objectif d'en finir avec les moteurs thermiques pour les nouvelles immatriculations dès 2025. Soit dix ans avant l'UE.
Le marché italien a été le seul à donner un coup de frein sur cette motorisation en 2022 (-26,9%).
Les hybrides non rechargeables (diesel ou essence) continuent également leur conquête du marché (+8.6%) et représentent désormais 22,6% des ventes, avec 2.089.653 de voitures écoulées.
Les ventes d'hybrides rechargeables, ces véhicules équipés d'un moteur thermique et d'un petit moteur électrique rechargeable sur une prise ou une borne, ont marqué le pas pour la première fois, avec 874.182 véhicules écoulés (+1,2%).
Au total, les voitures électrifiées (hybrides et 100% électriques) dépassent depuis la fin 2021 les ventes de voitures à essence: celles-ci représentaient 36,4% des ventes sur l'année 2022 (-12,8%, avec près de 3,3 millions de véhicules écoulés).
Encore cher
Le diesel, touché par le scandale du dieselgate, de forts malus et une offre qui rapetisse dans les gammes des constructeurs, continue sur sa pente descendante (-19,7%), avec 1,5 million de véhicules écoulés. La désaffection pour le diesel a été particulièrement marquée en France et en Belgique.
Face au bannissement européen prévu pour les thermiques, la plupart des constructeurs ont commencé à muscler leur offre de voitures électriques et hybrides.
L'automobile, premier mode de déplacement des Européens, représente un peu moins de 15% des émissions de CO2 dans l'UE.
"Nous bougeons vite, malheureusement plus vite que d'autres secteurs. Cette transition ne peut pas concerner que le secteur automobile", a souligné mardi le directeur général de Renault et nouveau président de l'ACEA, Luca de Meo, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
Il a mis en avant les besoins en bornes de recharge, dont les installations se limitent à 2.000 par semaine dans l'UE, contre les 14.000 nécessaires selon l'industrie, et avec de fortes inégalités selon les pays.
Les constructeurs automobiles européens investissent 250 milliards d'euros dans leur électrification, a souligné M. De Meo. Avec leurs tarifs élevés, les électriques sont achetées pour le moment par des foyers "riches" mais cela devrait changer avec la généralisation de l'électrique, selon le président de l'ACEA.
Si le leader du marché électrique, Tesla, a fortement baissé ses tarifs début 2023, ni Renault ni Volkswagen ne veulent entrer dans une guerre des prix sur ce secteur encore juteux.
"A la fin, chacun essaie de protéger ses marges. Lancer une guerre des prix alors que nous lançons les opérations n'est pas ce qui peut arriver de mieux au marché. Nous avons besoin d'investir", a souligné M. De Meo.
La Chine pionnière
La Chine reste pionnière dans l'électrification de l'automobile, avec des politiques publiques très favorables jusqu'ici, et les ventes de voitures électriques (VE) y ont encore doublé en 2022. Mais elles pourraient ralentir en 2023, parallèlement à l'évolution de l'activité économique chinoise, selon les experts du cabinet LMC.
Le marché nord-américain, lui, tarde à prendre ce virage. Mais avec la multiplication des modèles à batterie chez Ford ou GM, notamment des pick-ups, la part d'électriques pourrait atteindre les 7% en 2023, avec 1,3 million de véhicules prévus, selon LMC.
Au total, une voiture vendue sur huit (12,5%) dans le monde pourrait être électrique en 2023.
Tesla leader
Tesla, le constructeur qui a initié la révolution électrique, continue d'être le plus gros vendeur mondial dans cette catégorie. La société d'Elon Musk a écoulé 1,3 million d'unités en 2022, son SUV Model Y en tête. Il prévoit une augmentation de 37% pour 2023, à 1,8 million d'unités.
Mais le Chinois BYD l'a dans sa ligne de mire: le constructeur a presque triplé ses ventes d'électriques en 2022 (à 900.000 unités) et compte se développer en Europe et en Amérique du Nord.
Les fabricants chinois comme BYD ou NIO sont "les plus compétitifs du monde, travaillent plus dur et de façon plus intelligente", a souligné Elon Musk lui-même fin janvier.
Les historiques du secteur comme Volkswagen (avec sa gamme ID mais aussi les marques Porsche, Audi ou Cupra) et le groupe Stellantis (Peugeot, Jeep) multiplient aussi les lancements de modèles électriques pour se positionner sur ce marché juteux.
Les rois du luxe comme Rolls-Royce ou Ferrari prévoient de lancer bientôt leurs premiers modèles à batterie.
Seul Toyota continue de défendre les hybrides, les présentant comme une solution plus accessible et concrète pour la transition écologique.
Guerre des prix
Les voitures électriques restent en moyenne bien plus chères que leurs équivalents à essence, à partir de 35.000 euros, et donc inaccessibles à l'achat pour les classes moyennes, malgré de fortes subventions.
Mais Tesla a annoncé début janvier des baisses de tarifs allant jusqu'à 20% en Europe et aux Etats-Unis, suivie par Ford.
En Europe, les constructeurs pourraient suivre la même voie, pour gagner des parts de marché mais surtout pour respecter des normes européennes d'émissions de CO2 de plus en plus exigeantes, selon l'analyste allemand Matthias Schmidt
"En 2022 il n'y avait pas assez de véhicules pour répondre à la demande. La situation pourrait s'inverser courant 2023 et les constructeurs devront +pousser+ leurs véhicules, et faire baisser les prix", a commenté M. Schmidt.
Ils pourraient également réagir à l'arrivée des constructeurs chinois, qui en plus de proposer à tarif avantageux des électriques importées, envisagent désormais de les produire en Europe.
Des modèles plus petits et moins chers, comme la Renault 5, doivent également arriver sur le marché dans les prochaines années.
Manque de bornes
La peur de la panne reste un des principaux facteurs qui empêche les automobilistes de passer à la voiture électrique. Leur autonomie est limitée à quelques centaines de kilomètres et les recharger peut prendre une vingtaine de minutes à plusieurs heures, selon la puissance de la borne.
Même si la plupart des recharges se font à domicile, le développement de réseaux de bornes pléthoriques et rapide est donc crucial pour les longs trajets, selon les représentants du secteur automobile.
L'UE aura besoin de 3,4 millions bornes de recharge en 2030, selon un rapport du cabinet McKinsey, avec des réseaux électriques mis à jour pour tenir le coup. Au total, cela pourrait représenter un coût de 240 milliards d'euros.
Derrière Tesla, des acteurs comme Fastned ou Ionity (qui rassemble BMW, Ford, Hyundai, Mercedes et Volkswagen) investissent pour mailler les bords de route.
kd/rhl/bur-tsz/ico/sr