USA: des négociations salariales dans un climat morose

Les trois grands constructeurs automobiles américains et le puissant syndicat UAW sont engagés dans des négociations salariales surveillées de près par la Maison Blanche sur fond d'un scandale de pots de vin des responsables syndicales, des ventes de voitures molles et un climat social détérioré du fait de fermetures d'usines.

Les discussions informelles ont démarré en juillet afin de trouver un accord pour remplacer un contrat de quatre ans expirant le 14 septembre. Les deux parties ont trois options: ils peuvent nouer un nouvel accord avant la date fatidique, prolonger temporairement le compromis en place en cas d'impasse ou alors répartir dos à dos avec le risque d'une grève aux conséquences économiques et sociales désastreuses.

Les syndicats réclament tout particulièrement une hausse des salaires et une meilleure couverture santé, tandis que General Motors (GM), Ford et Fiat Chrysler espèrent obtenir des concessions sur un recours récurrent aux intérimaires. Ce dernier point est sensible, les syndicats s'y opposant fermement.

Ces négociations se déroulent en trois rounds distincts mais la première phase est menée avec un constructeur préalablement choisi par l'UAW. Tout accord noué avec ce groupe sert ensuite de base aux négociations avec les deux autres constructeurs.

 

Une grève ?

Cette année, c'est GM, objet de critiques récurrentes et de pressions de la part du président Donald Trump, qui a été désigné "maillon faible".

Le groupe dirigé par Mary Barra a indiqué mardi espérer conclure un "accord qui bâtit un solide avenir pour nos employés et notre activité".

Mais l'UAW a reçu un mandat par ses membres de lancer un mouvement de grève si besoin.

"Nous sommes prêts à nous battre pour notre avenir", a déclaré à l'AFP Gary Jones, le président de l'UAW. "Nous sommes prêts à nous batte pour nos membres, nos communautés et l'avenir de nos usines."

Kristin Dziczek, experte au Center for Automotive Research, estime qu'il y a de fortes chances que les négociations débouchent sur une impasse tant les divergences entre les deux camps sont profondes.

Leur calcul réciproque est le suivant, selon elle: "+si l'économie se dégrade assurons-nous que nous sommes protégés que nos emplois sont protégés+ contre +si la conjoncture se dégrade assurons-nous que nous ne nous retrouvons les mains liées avec des coûts élevés".

Échaudé par l'annonce par GM en novembre dernier de la fermeture de cinq usines en Amérique du Nord, dont dans les États industriels de l'Ohio et du Michigan, l'UAW va également chercher à obtenir à des garanties sur la pérennisation des sites de production aux Etats-Unis.

 

Incertitudes

Sur ce point, le syndicat pourrait avoir le soutien de toute la classe politique américaine et celui de Donald Trump, qui mise sur le Michigan et l'Ohio pour sa réélection. Le président américain avait vertement critiqué GM en novembre, enjoignant Mme Barra à revenir sur les fermetures d'usines.

L'UAW a saisi les tribunaux, arguant que GM a violé l'accord salarial conclu en 2015.

"A la fin, l'entreprise a toujours le droit de décider quel produit elle va produire et où elle va le faire", estime Arthur Wheaton, enseignant à l'université Cornell.

Les deux camps vont devoir mettre de l'eau dans leur vin, estiment les experts, car les ventes de voitures neuves plafonnent et des économistes prédisent une récession prochaine.

Il y a en plus beaucoup d'incertitudes qui obscurcissent l'avenir du secteur: la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les deux premiers marchés automobiles mondiaux, la bataille opposant l'administration Trump à la Californie sur les normes d'émissions de CO2 des véhicules neufs et de premiers signes de ralentissement économique.

"Nous ne connaissons pas encore les nouvelles règles pour le libre-échange en Amérique du Nord, nous n'avons pas d'idée précise sur les émissions de CO2 non plus", met en garde Kristin Dziczek.

Par ailleurs, l'UAW est englué dans un scandale de pots de vin: des responsables syndicaux sont soupçonnés d'avoir détourné des fonds destinés officiellement à la formation des membres. L'UAW a toujours affirmé que ces malversations supposées étaient organisées à son insu.

Le 28 août, les agents du FBI ont mené une perquisition au domicile de Gary Jones. Quelques jours plus tard, Michael Grimes, un ancien responsable de l'UAW, plaidait coupable d'avoir accepté des dessous de table lorsqu'il occupait ses fonctions.

Il était la neuvième personne à admettre sa culpabilité dans cette affaire.

jmb-lo/cn

© 2019AFP