Un big bang ferroviaire efface la frontière dans le Genevois

On en parlait depuis plus d'un siècle: le maillon manquant de la liaison ferroviaire entre Genève, sa banlieue et son arrière-pays français entre en service, augurant d'une "révolution de la mobilité" dans un territoire étouffé par le trafic automobile.

Les 16 kilomètres de la voie nouvelle entre la métropole helvétique et sa voisine française d'Annemasse sont officiellement inaugurés jeudi, avant l'ouverture au public dimanche.

Le Léman Express permettra aux habitants d'Annemasse, mais aussi d'Evian, de Saint-Gervais et d'Annecy de rejoindre Genève puis Coppet, au nord de l'agglomération, en empruntant, sans rupture de charge, la voie ferrée qui remonte le long du lac Léman.

Nombre de frontaliers vont pouvoir gagner jusqu'à une heure sur leur temps de parcours, tout en réduisant la pollution de l'air, un thème majeur dans la région.

"Annemasse-Genève, en heure de pointe par le bus, c'est 47 minutes. Avec le Leman Express, ce sera 22 minutes", explique Martine Guibert, vice-présidente déléguée aux Transports de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette voie, enterrée sur la plus grande partie de son trajet, aura coûté 1,56 milliard de francs suisses (1,42 milliard d'euros) pour la partie suisse et 335 millions d'euros pour la petite partie (2,5 kilomètres) en territoire français.

Grâce à la réalisation de ce tronçon, longtemps connu sous l'acronyme CEVA, la gare d'Annemasse "ne sera plus un cul de sac", se réjouit Pierre-Jean Crastes, directeur de la mobilité d'Annemasse Agglo.

Avec des fréquences doublées, un train toutes les 10 minutes aux heures de pointe et près de 9.000 voyageurs quotidiens, elle devrait voir sa fréquentation multipliée par huit et devenir la quatrième gare d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Mais ce qu'on inaugure "n'est pas qu'un simple réseau ferroviaire mais une révolution de la mobilité", souligne M. Crastes.

Parallèlement au Leman Express, sera en effet inaugurée samedi la prolongation jusqu'à Annemasse de la ligne 17 du tramway genevois. Un projet à 57 millions d'euros financé à 40% par la Suisse, sur le modèle de ce qui avait été fait pour le tram entre Bâle et son satellite français de Saint-Louis.

Annemasse a aussi mis en service un autobus à haut niveau de service (BHNS), circulant en partie sur voie propre, qui permet de rabattre le trafic à partir de deux parkings relais, vers la gare.

Et la tranchée couverte du Léman Express a été transformée en "voie verte" qui permet aux deux-roues de rallier le très développé réseau de pistes cyclables de Genève. Avec un succès "phénoménal" - dixit M. Crastes.

 

"Un instrument fabuleux"

De quoi desserrer la congestion routière entre Genève et son hinterland haut-savoyard, qui forment un ensemble d'un million d'habitants et où 80% des déplacements s'effectuent actuellement en voiture ?

"Il n'existe pas un seul autre territoire en Europe où l'on réalise des coopérations transfrontalières avec des infrastructures aussi modernes que celles qui sont ici déployées", se félicite le président (LR) de la région Laurent Wauquiez.

La région, qui portait le projet côté français, a notamment financé l'achat à Alstom des 27 rames Régiolis qui circuleront sur le réseau franco-suisse. Au total, elle y aura investi plus de 420 millions d'euros.

La majorité régionale de droite "a agi dans la continuité" de ce qui avait été lancé par les socialistes, reconnait Mme Guibert, tout en revendiquant "un travail de l'ombre qui va totalement conditionner la qualité du service", comme la mise en place d'un billet commun aux dix opérateurs concernés.

Pour les responsables de la région, le Léman Express "ne doit pas seulement être vu comme un outil au seul service des frontaliers", mais comme "un instrument fabuleux pour métamorphoser le territoire".

Mais les responsables économiques locaux s'inquiètent que l'amélioration des transports dans le Genèvois puisse accroître encore la concurrence suisse qui tarit le réservoir de main d'oeuvre qualifiée de la région avec ses salaires très élevés.

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