Uber, Lyft...: qu'est-ce qui fait courir les investisseurs ?

Le secteur des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), dominé par l'Américain Uber, attire de nombreux investisseurs, comme le japonais Softbank ou l'américain Alphabet/Google, appâtés par marché porteur, même s'il n'est pas encore rentable. Une façon de mettre la main sur d'énormes quantités de données qui seront utiles.... aux voitures autonomes.

Selon une étude récente de Goldman Sachs, le marché mondial pourrait être multiplié par 8 d'ici 2030, pour atteindre 285 milliards de dollars tandis que le nombre de courses atteindrait 83 milliards par an contre 6 actuellement.

Des opportunités alléchantes : Lyft, premier concurrent d'Uber aux Etats-Unis, vient de lever 1 milliard de dollars auprès d'un groupe d'investisseurs mené par le fonds d'investissement d'Alphabet, maison-mère de Google, tandis qu'Uber a dit être en discussions avec Softbank pour un très gros investissement.

Autre acteur majeur, le chinois Didi Chuxing, qui a racheté en 2016 les activités d'Uber en Chine, investit lui-même beaucoup, notamment dans Lyft ou dans l'indien Ola, qui vient lui aussi de lever un milliard de dollars.

A 50 milliards, Didi, qui a levé 5,5 milliards de dollars cette année, est désormais la startup la plus chère d'Asie.

Au point qu'il est difficile de s'y retrouver: Alphabet --via son fonds d'investissement-- a des billes à la fois dans Lyft et dans Uber tandis que Softbank est actionnaire de Didi Chuxing et s'apprête, donc, à entrer chez Uber...

"Ce n'est pas un mariage mais du business", résumait récemment la femme d'affaires Arianna Huffington, membre du conseil d'administration d'Uber, interrogée sur le fait que Softbank investissait dans plusieurs entreprises concurrentes.

Suite logique, Uber, actuellement valorisé à 70 milliards de dollars prévoit une entrée en Bourse d'ici 2019 tandis que Lyft, qui pèse désormais 11 milliards de dollars, est aussi sur les rangs, selon la presse.

Pourtant, ces entreprises ne sont pas rentables, se heurtent régulièrement aux régulateurs des transports et aux taxis traditionnels dans plusieurs pays, sans compter l'image sulfureuse d'Uber, englué dans divers scandales, procès et enquêtes. Ce dernier a encore perdu environ 600 millions de dollars au second trimestre, après 2,8 milliards en 2016.

 

La voiture autonome

Mais tout cela, ce n'est pas vraiment un problème pour des investisseurs aussi puissants qu'Alphabet ou Softbank, pour lesquels finalement, les sommes investies "sont plutôt modestes", note l'analyste Jack Gold (J.Gold Associates).

En fait, estime-t-il, ce qui les intéresse, "c'est moins le retour sur investissement des activités actuelles (...) que de mettre la main sur l'énorme quantité de données" qu'accumulent les plate-formes de réservation.

Elles "en savent long", en effet, sur les déplacements : les trajets, les horaires, le profil des passagers..., explique Jeremy Carlson, analyste spécialisé dans les nouvelles mobilités au cabinet IHS Markit.

Et surtout, ces données sont essentielles pour atteindre le Graal: la voiture autonome présentée comme l'avenir des transports urbains, relèvent les analystes. Un domaine dans lequel les VTC sont en première ligne.

Lyft, qui a désormais une division consacrée à cette technologie, collabore notamment avec le constructeur Ford mais aussi avec Waymo, filiale voiture autonome d'Alphabet/Google... Uber est quant à lui notamment allié à General Motors (qui a lui-même investi dans Lyft) pour développer et tester des voitures sans chauffeur.

"La raison pour laquelle (...) ce secteur attire autant d'investissements, c'est parce qu'une fois que les voitures autonomes seront là (...), ce sont les plateformes de réservation de VTC qui permettront de gérer les services de mobilité autonome à la demande", explique Jeremy Carlson.

De plus, les principaux coûts de ces compagnies sont liés à la rémunération des chauffeurs, ce qui explique "le manque de bénéfices opérationnels", relèvent les analystes de Goldman Sachs.

Selon eux, "des véhicules entièrement autonomes pourraient potentiellement remplacer à terme 6,2 millions de chauffeurs". La voiture autonome sera donc ce qui "transformera l'écosystème" du marché des VTC, estiment-ils.

"Quand on en sera à la voiture autonome (...), des entreprises comme Lyft et Uber domineront de fait le marché automobile. Google et Softbank veulent en être", renchérit l'analyste Bob Enderle.

L'essor de l'électrique fait aussi partie de l'équation, pointe Jeremy Carlson, encore un secteur sur lequel travaillent les grosses entreprises de VTC, qui pourraient ainsi supprimer l'autre poste important de leurs dépenses: le carburant.

jc/jld/pb

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