Trump menace l'automobile européenne (+vidéo)

L'Union européenne et le secteur automobile ont exprimé jeudi leur exaspération face aux menaces américaines d'imposer des taxes douanières accrues au nom de la "sécurité nationale", nourrissant les craintes d'un conflit commercial américano-européen.

Le président Donald Trump a ordonné mercredi une enquête sur les importations de véhicules aux Etats-Unis "pour déterminer leur impact sur la sécurité nationale".

Les Européens, qui tentent déjà d'échapper à des droits de douanes accrus de 25% sur l'acier et 10% sur l'aluminium à partir du 1er juin, ont dénoncé une mesure "farfelue".

"Il est très difficile d'imaginer que (les importations d'automobiles) créent la moindre menace à la sécurité nationale", a estimé le vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen.

Volkswagen, numéro 1 mondial de ce secteur stratégique pour l'Allemagne, voit dans la décision américaine une forme de "protectionnisme unilatéral", quand BMW, géant du haut de gamme, réclame lui un "accès sans barrières" au nom de "la croissance et l'emploi dans l'économie mondiale".

En visite en Chine, également dans le viseur de Donald Trump pour son excédent commercial massif vis-à-vis des Etats-Unis, la chancelière allemande Angela Merkel a plaidé elle pour "le soutien au libre-échange" sans évoquer l'automobile en particulier.

 

"Grandes nouvelles"

L'annonce de M. Trump est survenue quelques heures après un Tweet promettant "de grandes nouvelles pour nos fabuleux constructeurs automobiles", victimes selon lui de "décennies de pertes de (leurs) emplois au profit d'autres pays".

Il vise en particulier les taxes européennes sur les importations de voitures en provenance des pays hors UE qui s'élèvent à 10%, quand les droits de douanes américains ne s'élèvent qu'à 2,5%. Toutefois, au sein du secteur, les Etats-Unis taxent les importations de camions et de pick-up (camionnettes à plateau) à hauteur de 25%, contre 14% en moyenne pour l'Union européenne.

"Il y a des preuves suggérant que, durant des décennies, les importations depuis l'étranger ont érodé notre industrie automobile nationale", a affirmé le secrétaire au Commerce Wilbur Ross cité dans un communiqué qui précise qu'en vingt ans, "les importations de véhicules particulières sont passées de 32% à 48% du total des véhicules vendus aux Etats-Unis".

Les constructeurs allemands rejettent ces arguments, soulignant qu'ils produisent plus de voitures aux Etats-Unis qu'ils n'en exportent outre-Atlantique. Par ailleurs, ils emploient 36.500 personnes sur le sol américain, ce à quoi il faut ajouter environ 80.000 salariés des équipementiers automobiles allemands.

Et près de la moitié des unités produites par les groupes allemands aux Etats-Unis sont exportés vers l'Europe ou l'Asie, pesant positivement dans la balance commerciale américaine.

 

L'Allemagne, cible favorite

Mais côté gouvernement allemand, ces menaces ont de quoi inquiéter. Avec près de 29 milliards d'euros, les véhicules automobiles et pièces détachées représentaient en 2017 25% des exportations allemandes vers les Etats-Unis.

Le Produit intérieur brut allemand, pourrait si ce dispositif américain était mis en place baisser de 0,16% , soit 5 milliards d'euros, selon une simulation publiée mardi par l'insitut Ifo.

L'Allemagne n'est pas seule à être préoccupée. Le japonais Nissan exporte plus d'un tiers de ses 1,59 million de véhicules vendus aux Etats-Unis l'an dernier.

"Des mesures de restrictions de cette ampleur pourraient grandement perturber le marché, ce serait tout à fait déplorable", a réagi le gouvernement Japonais.

Le constructeur automobile suédois Volvo Cars a lui lancé un avertissement implicite à l'administration Trump sur ses investissements et créations d'emplois aux Etats-Unis si de nouvelles taxes douanières frappaient les importateurs de véhicules.

Cette nouvelle escalade des tensions commerciales entre alliés s'ajoutent à la liste des désaccords croissants entre Européens et Américains autour de la ligne "l'Amérique d'abord" de Donald Trump.

L'UE, la France et l'Allemagne tentent notamment d'organiser une riposte à la décision unilatérale américaine de sortir de l'accord sur le nucléaire iranien et de menacer en conséquence de sanctions Téhéran mais aussi les entreprises étrangères qui commercent avec l'Iran.

Enfin, Berlin est depuis longtemps une des cibles favorites de Donald Trump. Dépenses militaires insuffisantes, accueil jugé dangereux de réfugiés musulmans, politique commerciale anti-américaine: Berlin, un allié pourtant quasi-indéfectible depuis 70 ans, s'est retrouvé souvent sur le banc des accusés.

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