Tricherie VW: retour sur 18 mois de crise

La tricherie du groupe allemand Volkswagen sur des millions de moteurs diesel, révélée en septembre 2015, a fait trembler l'ensemble de l'industrie automobile, mais a également un impact sanitaire important.

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Selon une étude scientifique parue vendredi, elle se traduira par 1.200 décès prématurés en Europe pour les seuls véhicules truqués vendus en Allemagne.

Retour sur les origines et les retombées de ce "dieselgate" planétaire.

 

D'où est venu le scandale ?

Le 18 septembre 2015, l'agence environnementale américaine (EPA) accuse le constructeur d'avoir enfreint des réglementations anti-pollution à l'aide d'un logiciel truqueur installé sur des centaines de milliers de véhicules diesel fabriqués à partir de 2009. Très vite, le "dieselgate" prend de l'ampleur: Volkswagen reconnaît avoir équipé de ce logiciel 11 millions de véhicules dans le monde, dont 8,5 millions en Europe. Les marques concernées sont Volkswagen, Volkswagen Utilitaires, Porsche, Audi, Skoda et Seat.

Le logiciel incriminé enclenchait un mécanisme interne de limitation des gaz polluants pendant les contrôles anti-pollution. Ce mécanisme était automatiquement désactivé quand le véhicule roulait normalement, libérant alors dans l'atmosphère davantage d'oxydes d'azote (NOx), des gaz polluants accusés d'aggraver les maladies respiratoires.

 

Comment a réagi Volkswagen?

Le patron de l'époque Martin Winterkorn exprime d'abord ses regrets d'avoir "déçu" les clients. Cinq jours après, il démissionne, affirmant n'avoir jamais rien su de la tricherie. Il est remplacé par Matthias Müller, alors patron de Porsche, l'une des douze marques de Volkswagen.

M. Müller fait acte de contrition au nom du groupe, initie le rappel, toujours en cours, des véhicules équipés du logiciel truqueur et présente une nouvelle stratégie axée sur le développement de l'électrique, des services à la mobilité et de la voiture autonome.

Volkswagen suspend dans un premier temps une poignée de salariés. En janvier dernier, le groupe plaide coupable de fraude aux Etats-Unis et accepte de payer plus de 22 milliards de dollars au total pour contenter autorités, clients et concessionnaires dans le pays.

 

Quelles conséquences pour Volkswagen?

En 2015, le groupe essuie une perte historique de 1,6 milliard d'euros en raison de l'argent mis de côté pour affronter les poursuites judiciaires partout dans le monde. En 2016, il réussit toutefois à revenir dans le vert en dégageant un bénéfice net de 5,1 milliards d'euros.

Volkswagen a déjà soldé le gros des litiges aux Etats-Unis, mais n'en a pas fini avec les ennuis judiciaires. Des investisseurs lui réclament par exemple des milliards d'euros, accusant le groupe d'avoir communiqué trop tardivement sur la tricherie.

Le géant allemand a passé 22,6 milliards de provisions dans ses comptes depuis le début de l'affaire. Les spécialistes tablent sur une facture totale de 25 à 35 milliards d'euros, voire au-delà.

Du côté des ventes, Volkswagen a souffert en 2015, mais s'est rapidement remis en selle, aidé par la demande chinoise et européenne alors que la désaffection des clients américains perdure.

Malgré une image écornée, il est devenu l'an dernier le premier constructeur mondial, avec 10,3 millions de véhicules vendus, devant le japonais Toyota. Le pilier de ses ventes, la marque généraliste Volkswagen, a enregistré une progression de 2,8%.

La marque a annoncé en novembre la suppression de 30.000 postes et d'importantes économies, essentiellement en Allemagne, afin d'accroître une rentabilité en berne et de devenir champion de l'électrique d'ici 2025.

En parallèle, la justice poursuit son enquête pour établir les responsabilités dans ce dossier. Les autorités américaines ont inculpé des employés et cadres de l'entreprise et soupçonnent la direction de Volkswagen d'avoir été mise au courant de la tricherie dès l'été 2015. En Allemagne, le parquet de Brunswick enquête sur l'ancien patron Martin Winterkorn et d'autres dirigeants du groupe pour fraude et manipulation de cours.

 

Quelles conséquences pour les clients et les citoyens?

Les conséquences pour les propriétaires de voitures incriminées sont très différentes des deux côtés de l'Atlantique. Aux Etats-Unis, où les normes anti-pollution sont plus strictes, le groupe a accepté de débourser plus de 16 milliards de dollars pour réparer ou racheter près de 600.000 voitures incriminées, et de verser à leurs propriétaires des indemnités pouvant aller jusqu'à 16.000 dollars par personne.

En Europe, Volkswagen n'entend pour l'heure pas dédommager ses clients car la situation et la législation sont selon lui différentes de celles rencontrées aux Etats-Unis, mais la Commission européenne a plusieurs fois manifesté son mécontentement.

Le gros des rappels concerne l'Europe, avec plus de 2 millions en Allemagne et environ 900.000 en France. Selon des chiffres publiés fin février, le groupe a remis aux normes 3,4 millions de véhicules, dont 1,4 en Allemagne.

D'après l'étude parue vendredi dans Environmental Research Letters, les décès liés aux gaz polluants émis par les véhicules trafiqués du groupe en circulation sur les routes allemandes devraient concerner l'Allemagne (500 morts) mais aussi les pays voisins comme la Pologne (160) et la France (84).

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