Tricherie VW: l'abrupte fin de règne de "M. Qualité"

Martin Winterkorn, aux commandes de Volkswagen depuis 2007, a présenté mercredi sa démission, prenant acte du scandale des moteurs diesel et mettant un terme abrupt à la brillante carrière au sein du groupe de ce technicien surnommé "M. Qualité".

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Connu pour son perfectionnisme, il a souvent fait trembler ses ingénieurs en auscultant de près chaque nouveau modèle avant son lancement. "Je connais chaque vis de nos voitures", se plaisait-il à dire.

Une affirmation qui a visiblement joué en sa défaveur mercredi, lorsque le patron a dû s'expliquer sur la tricherie du groupe aux douze marques sur les moteurs diesel de ses voitures. L'affaire a été révélée vendredi soir.

Tout en affirmant ne s'être rendu coupable "d'aucun manquement", M. Winterkorn a remis mercredi sa démission aux membres les plus influents du conseil de surveillance, réunis au siège à Wolfsburg (nord), pour permettre à l'entreprise de prendre "un nouveau départ".

Ce conseil restreint lui a rendu hommage, évoquant sa "contribution gigantesque ces dernières décennies et sa disposition à faire face aux responsabilités dans une situation actuellement critique".

 

"Toute ma vie "

"Volkswagen était, est et restera toute ma vie", a dit mercredi l'intéressé.

Avant l'éclatement de l'affaire du logiciel truqueur installé sur 11 millions de voitures du mastodonte automobile, cet ingénieur de formation aux cheveux gris et lunettes fines apparaissait en position de force au sein du groupe, à l'issue d'un duel en coulisses l'ayant opposé au printemps à son ancien mentor, Ferdinand Piëch.

C'est à ce dernier, petit-fils de l'inventeur de la Coccinelle Ferdinand Porsche et "patriarche" de Volkswagen, que Martin Winterkorn, 68 ans, doit son ascension au sein de ce fleuron de l'industrie allemande.

Né le 24 mai 1947 près de Stuttgart (sud-ouest), fief du constructeur Daimler, M. Winterkorn est entré chez Audi en 1981 comme assistant à la direction de la qualité après des études en physique des métaux et des débuts professionnels chez l'équipementier Bosch. Repéré par M. Piëch, il gravit les échelons au sein de la marque aux anneaux, puis devient responsable de la division qualité du groupe Volkswagen en 1993 à la demande de son maître à penser.

En 1996, il est nommé directeur du développement technique pour la marque Volkswagen, puis assure entre 2000 et 2002 la fonction de directeur de la recherche et développement pour l'ensemble du groupe, avant de revenir chez Audi en tant que chef de la marque.

Depuis son arrivée à la tête du groupe Volkswagen en 2007, avec Ferdinand Piëch comme président du conseil de surveillance, cet amateur de football relativement discret a enregistré de nombreuses réussites, transformant le groupe en un géant à douze marques, parmi lesquelles Audi, Porsche et Seat pour les voitures mais aussi MAN et Scania pour les camions et Ducati pour les motos.

 

Manquements

En 2014, l'entreprise de Wolfsburg (nord) a signé des résultats financiers record, avec un bénéfice net de près de 11 milliards d'euros et un chiffre d'affaires d'environ 202 milliards.

Mieux, elle est parvenue au premier semestre à doubler le numéro un mondial des ventes, le japonais Toyota, une ambition qu'elle nourrissait pour 2018 seulement.

Mais M. Winterkorn, patron le mieux payé d'Allemagne, était aussi pointé du doigt pour certains manquements: l'absence de voiture à bas coût dans l'escarcelle du groupe, les difficultés de la marque phare Volkswagen en Chine depuis peu et aux Etats-Unis depuis plusieurs années, ou encore une trop grande concentration des prises de décision.

Désavoué en avril par son père spirituel pour une raison inconnue, le sexagénaire était sorti grand vainqueur de la lutte de pouvoir avec M. Piëch, contraint à démissionner de toutes ses fonctions au sein du groupe.

Alors adoubé "meilleur" patron possible pour Volkswagen par les membres les plus influents du conseil de surveillance, Martin Winterkorn devait théoriquement voir son contrat prolongé de deux ans, jusqu'à 2018, ce vendredi.

Mais l'ampleur du scandale, pour lequel les responsabilités exactes sont encore inconnues, aura scellé son sort. Son remplaçant devrait être désigné vendredi par l'ensemble du conseil de surveillance.

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