Tricherie VW: la facture pourrait atteindre 60 milliards !

Deux semaines après les premières révélations sur les moteurs diesel truqués de Volkswagen, les estimations des conséquences financières du scandale pour le géant de l'automobile s'échelonnent dans une fourchette de 25 à plus de 60 milliards d'euros.

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"Volkswagen dispose d'environ 15 milliards d'euros en trésorerie, mais les coûts du scandale seront bien plus élevés encore", explique à l'AFP Ferdinand Dudenhöffer, professeur au Centre pour la recherche automobile de l'Université de Duisbourg. "Le groupe doit se préparer à une longue cure d'austérité", prédit-il.

Le colosse allemand de l'automobile, qui dégage 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et est devenu premier constructeur mondial devant Toyota cette année, a avoué avoir écoulé 11 millions de véhicules diesel équipés de moteurs truqués, principalement en Europe et aux Etats-Unis.

Dès le 22 septembre Volkswagen a provisionné 6,5 milliards d'euros, qui serviront principalement à financer le rappel des véhicules et la remise aux normes des moteurs. Mais "cela ne suffira pas", a reconnu mardi le nouveau patron du groupe, Matthias Müller, évoquant des conséquences financières et commerciales "encore impossibles à prévoir".

Entre les amendes que VW risque de se voir infliger par plusieurs gouvernements et les dédommagements réclamés par clients et actionnaires, la facture risque d'être particulièrement salée.

 

Pénalités, indemnisations

Aux Etats-Unis, la pénalité maximale pourrait théoriquement atteindre jusqu'à 18 milliards de dollars, soit 16 milliards d'euros. Un montant que M. Dudenhöffer juge toutefois peu réaliste. "Au final, VW devra probablement payer de 10 à 12 milliards d'euros", estime le professeur.

S'y ajouteront d'éventuelles amendes imposées par les pays européens. La France et l'Espagne pourraient aussi exiger le remboursement de subventions passées.

Adam Hull, analyste de la société Berenberg à Londres, évoque jusqu'à 5 milliards d'euros de pénalités infligés par les gouvernements hors Etats-Unis.

Autre menace: les actions en justice. Plusieurs ont été intentées aux Etats-Unis, avec le potentiel de devenir des "class actions" collectives, avec un effet démultiplicateur sur les indemnisations. Mercredi a été déposée en Allemagne la première plainte d'une cliente qui voulait conduire une voiture "propre" et s'estime flouée.

Les actionnaires de Volkswagen, lourdement affectés par l'effondrement en Bourse du titre du constructeur (-40% en deux semaines), se retournent aussi contre lui.

"Notre cabinet a vu affluer plus de 1.000 demandes de la part de petits porteurs (...) et cela va continuer", confie Axel Wegner, avocat spécialiste en droit boursier de la région de Stuttgart.

Les actionnaires ont subi un préjudice d'environ 60 euros par titre, et nombre d'entre eux ont "de bonnes chances d'obtenir gain de cause, surtout ceux qui ont acheté des actions moins de trois mois avant le début du scandale, quand VW connaissait déjà les problèmes et les a cachés délibérément aux investisseurs", poursuit l'avocat.

 

Sacrifices en vue

Pour faire face, le constructeur sera forcé de consentir d'énormes sacrifices. Stefan Bratzel, directeur du Center of Automotive Management de Bergisch Gladbach, estime que le groupe devra raboter une bonne partie des 107 milliards d'euros d'investissements prévus pour la période 2014-2018, ou au moins les différer de plusieurs années.

"Evidemment VW pourra toujours ouvrir ses nouvelles usines un peu plus tard. Mais gare au risque de se perdre son avance technologique: la capacité d'innovation, c'est ce qui fait la force de Volkswagen", prévient M. Bratzel.

Les avis diffèrent sur la nécessité pour le mastodonte de l'automobile de devoir céder, à terme, une ou plusieurs de ses 12 marques de véhicules, des motos Ducati aux luxueuses Lamborghini en passant par les camions Scania.

A la différence du très pessimiste professeur Dudenhöffer, Frank Schwope, analyste de NordLB à Hanovre tient une telle éventualité pour peu probable et à ce jour encore hautement spéculative.

"Tout dépendra, en somme, de l'ampleur du manque à gagner futur pour Volkswagen", pour l'instant très difficile à prévoir, explique M. Schwope. Selon lui le constructeur pourrait supporter une baisse de ses ventes de l'ordre de 1 à 3% sans être obligé de se séparer de l'une de ses marques.

Un scénario qui permettrait à M. Müller de tenir sa promesse de limiter au maximum les conséquences sur l'emploi.

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