Tesla: les ingrédients de la potion magique

Il promet un voyage sur Mars en 2022, creuse des tunnels pour relier en un temps record de grandes villes et a accéléré l'adoption des voitures électriques à travers le monde. Cette dernière aventure est couronnée par une flambée boursière de sa société Tesla.

A 48 ans, Elon Musk, d'origine sud-africaine, s'est imposé en "visionnaire", qui bouscule et réécrit à sa façon les codes de conduite des patrons en entreprises et s'est adjoint une légion de fans.

En à peine cinq mois, Tesla, le constructeur de voitures électriques dont il a pris les rênes en 2008 après avoir été un investisseur de la première heure, a vu sa valeur à Wall Street passer d'une quarantaine de milliards à 160 milliards mardi soir, davantage que General Motors, Ford, Fiat-Chrysler, Renault et PSA Peugeot combinés.

Cette ascension tient, selon des experts, à la personnalité de M. Musk, devenu milliardaire après avoir revendu la société Paypal, co-créée avec un autre enfant terrible de la "tech", Peter Thiel.

 

Visionnaire

"Tesla a un leader hautement charismatique, qui est parvenu à dépeindre une image de lui-même et de l'entreprise comme des visionnaires; qui repoussent les barrières et accomplissent ce que n'a jamais accompli un autre constructeur automobile", résume Karl Brauer, du cabinet Kelley Blue Book.

S'il n'a pas créé Tesla, Elon Musk a bâti la société à coup de promesses, pas toujours tenues, et grâce au marketing.

Tesla est, selon lui, une société technologique, en avance sur les technologies électrique et autonome, considérées comme les modes de transport de demain.

Acheter ou rouler dans une voiture Tesla revient par conséquent à être "cool" et à protéger et sauver l'environnement puisqu'on réduit son empreinte carbone et on est en phase avec les nouvelles lois environnementales à travers le monde, notamment en Europe et en Chine.

"Tesla n'est pas un constructeur automobile voulant juste vendre tel nombre de voitures par an, mais un mouvement dont le but est de sauver la planète", considère Jessica Caldwell, experte chez Edmunds.com.

Les jeunes générations, dont les fameux Millennials, et les célébrités en raffolent.

Sur le plan technique, Tesla développe la batterie lithium-ion et en fait la pièce centrale de la voiture, partant du principe que les besoins des clients potentiels vont évoluer sur la durée.

"C'est la batterie électrique d'abord et la voiture elle-même ensuite, alors que pour les autres constructeurs, c'est la voiture d'abord, ensuite la motorisation", avance Jessica Caldwell.

 

Disneyland

Et puis, il y a le style Musk: un mélange d'anti-système et de bagarreur acharné contre ses détracteurs.

Le patron de la société aérospatiale SpaceX rompt avec la communication classique des entreprises, adopte Twitter réseau social sur lequel il communique directement avec les clients Tesla sans filtre.

Jeux de mots, moqueries, engueulades, émojis: son compte sur le réseau social concentre la panoplie des recettes faisant le succès des "influenceurs". Et la révolution continue.

Lors de la traditionnelle présentation des résultats de l'entreprise, la priorité est donnée aux questions des "fans" au mépris des analystes financiers, dont les avis sont pourtant considérés comme paroles d'évangile par les marchés.

M. Musk, qui n'a pas hésité à fumer un joint et boire de l'alcool devant la caméra, a transformé le lancement des produits Tesla en un show mondial, dont les ratés, comme ce fut le cas récemment du pickup futuriste Cybertruck, sont applaudis.

"Ca marche parce qu'il apparaît authentique, sincère et aussi parce qu'il est vu comme quelqu'un qui accomplit quelque chose d'extraordinaire", dit Jessica Caldwell.

Charles Elson, enseignant à l'université du Delaware, reconnaît que M. Musk est "visionnaire, créatif et innovateur" mais il estime que cette "magie" est à la fois une bénédiction et une malédiction pour Tesla.

"Le danger de tout miser sur un individu plutôt que sur un concept est qu'aucun individu n'est parfait", dit cet enseignant de l'université du Delaware, qualifiant de "culte de la personnalité" l'engouement autour de M. Musk.

En 2018, des faux-pas de M. Musk avaient ainsi coûté des milliards de dollars aux actionnaires, le dirigeant ayant engagé un bras de fer inédit avec la SEC, le gendarme de la Bourse américain, qui lui reprochait d'avoir affirmé, sans garantie financière, pouvoir retirer le groupe californien Tesla de la Bourse.

"Si Mary Barra (GM) ou Jim Hackett (Ford) avaient fait la moitié des promesses de M. Musk et ne les avaient pas tenues, ils auraient déjà été limogés", renchérit Karl Brauer.

Elon Musk avait promis en 2015 une voiture Tesla autonome pour 2017. Quatre ans plus tard, il n'y a toujours pas de véhicule pouvant se conduire seul et en toute sécurité.

"Tesla est un peu comme Disneyland", conclut M. Brauer. "Il n'a pas besoin de convaincre le monde entier qu'il est un groupe unique mais juste un groupe de personnes".

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