Taxes américaines sur l'auto: l'Allemagne menacée

L'Allemagne et ses constructeurs automobiles, déjà fragilisés par le scandale du diesel et la transition vers l'électrique, seraient particulièrement affectés si les Etats-Unis imposaient des droits de douane supplémentaires sur les voitures européennes.

Exportations massives

Les échanges commerciaux liés au secteur automobile représentent 8% du commerce transatlantique entre les USA et l'UE, selon l'association des constructeurs européens.

Les USA sont le plus grand marché pour le secteur automobile européen, absorbant 29% de leurs exportations. L'Allemagne a représenté en 2018 près de la moitié de ces exportations, ce qui en fait "le pays européen le plus exposé à des taxes sur les voitures", explique à l'AFP Nadia Gharbi, de la banque Pictet.

Les groupes automobiles allemands, dont les géants Volkswagen, Daimler (Mercedes Benz), et BMW ont livré en 2018 quelque 470.000 voitures produites en Allemagne vers les Etats-Unis.

"La France n'exporte quasiment pas de voitures vers les USA", note Gabriel Felbermayr, directeur de l'institut économique IfW.

Mais les exportations allemandes vers les Etats-Unis au cours des 11 premiers mois de 2019 ont baissé de 10% sur un an, selon l'association des constructeurs (VDA), qui attribue ce recul à la montée en puissance de la production locale.

"Les entreprises sont en quelque sorte en train de s'immuniser" en déplaçant la fabrication outre-Atlantique, où constructeurs et équipementiers allemands emploient déjà quelque 120.000 personnes, commente M. Felbermayr.

 

Impact industriel

Des droits de douane, répercutés sur les consommateurs, pousseraient à la hausse les prix américains des voitures européennes. Or une augmentation de 1% des prix pourrait faire reculer la demande de quelque 1,5%, calcule Pictet.

Sur le long terme, des droits de douane de 25% tels qu'envisagés par Washington l'année passée pourraient diviser par deux le volume des exportations allemandes vers les Etats-Unis, complète l'institut Ifo.

Un tel recul aurait un impact sur la production industrielle automobile allemande, qui a déjà atteint son plus bas depuis 22 ans en 2019, plombée par une baisse des exportations.

La crise du secteur auto, déjà particulièrement sensible au conflit commercial sino-américain, a été parmi les facteurs responsables du net ralentissement de la croissance allemande en 2019.

Le secteur représente en Allemagne un cinquième de l'industrie, près de 5% du PIB et plus de 800.000 emplois directs.

"L'industrie automobile est très connectée" au reste de l'économie, relève M. Felbermayr. "Et la concentration régionale renforce le problème".

Si la production automobile baisse, "cela affecte de manière concentrée certaines régions", comme autour de Wolfsburg, siège de Volkswagen.

Si Royaume-Uni arrive en deuxième position des exportateurs de voitures vers les USA, devant l'Italie et la Slovaquie, il s'agit là aussi en partie du "réseau de production allemand", selon l'IfW.

Une baisse de ces exportations devrait donc également toucher les constructeurs allemands.

 

Effet boule de neige

Pour le secteur automobile allemand, les taxes s'ajouteraient à une liste déjà longue de défis: le "dieselgate", la guerre commerciale sino-américaine, le ralentissement économique, le Brexit et les investissements massifs pour la voiture électrique.

Les entreprises du secteur, en quête d'économies pour redresser leurs marges, ont annoncé quelque 40.000 suppressions d'emplois ces derniers mois en Allemagne, d'autant plus qu'un moteur électrique nécessite moins de main-d'oeuvre que son équivalent thermique.

Les conséquences pour l'économie devraient par ailleurs dépasser constructeurs et équipementiers: l'industrie chimique et les fabricants de machines-outils comptent le secteur parmi ses plus gros clients.

Et pourraient même dépasser les frontières. Car si "l'Allemagne est le pays le plus concerné, avec les équipementiers, cela rattrape tout le monde", notamment la France, juge M. Felbermayr.

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