SAM: Le Maire appelle Renault à accompagner les salariés

"Il n'y a pas d'offre crédible pour la reprise de SAM", a constaté mercredi le ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui appelle Renault, grand donneur d'ordre de la fonderie aveyronnaise, à être "exemplaire" dans l'accompagnement des salariés.

"On s'est battu comme pour chaque site industriel" et "s'il y avait aujourd'hui une offre de reprise qui soit vraiment solide (...) nous l'aurions imposée d'une manière ou d'une autre, ça n'est pas le cas", a assuré le ministre sur Franceinfo, au lendemain du refus de Renault de soutenir le projet de reprise de la fonderie aveyronnaise, qui emploie 350 salariés.

Renault, auquel le tribunal de commerce de Toulouse avait donné jusqu'à mercredi pour se prononcer, a jugé que le projet de reprise examiné "ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires".

"Le tribunal décidera vendredi (d'une éventuelle liquidation judiciaire). Moi, ce que j'attends de Renault comme actionnaire de Renault, c'est un comportement exemplaire vis-à-vis des salariés, parce que pour le bassin d'emploi de Decazeville, c'est dur, pour les salariés de la SAM, c'est extrêmement dur", a déclaré Bruno Le Maire.

"Ça veut dire des reclassements, ça veut dire de l'accompagnement, ça veut dire de la formation, ça veut dire que Renault qui a des dizaines d'autres sites de production doit accompagner chaque salarié pour qu'il retrouve un emploi et une porte de sortie qui soit digne", a-t-il ajouté.

Dans son communiqué de mardi, le constructeur automobile avait assuré qu'il poursuivrait "le dialogue avec les salariés de SAM afin de leur proposer des solutions alternatives d'emploi au sein du Renault Group".

Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), installée à Viviez sur les hauteurs de Decazeville, avait été placée en redressement judiciaire le 10 décembre 2019, puis, le 16 septembre dernier, en liquidation judiciaire avec prolongation d'activité jusqu'au 10 décembre.

Après avoir déposé une première offre en juillet, le chef d'entreprise Patrick Bellity avait adressé jeudi dernier une lettre d'intention en vue de la reprise de cette fonderie. Son courrier était accompagné de lettres de soutien de l'État et de la région Occitanie. Mais il fallait également que Renault, dernier client, s'engage sur "un plan de charge défini" avant mercredi, selon la région.

De son côté, la CGT du groupe Renault a accusé mercredi le constructeur automobile d'"abandonner ses fournisseurs et les salariés en France" et de "sacrifier la filière automobile nationale".

Le syndicat "condamne fermement l'attitude de la direction générale" de Renault "dans le dossier de la SAM", alors que le groupe "bénéficie de subventions de l'État dans le cadre de la relance industrielle" en France, qui s'ajoutent aux "5 milliards d'euros" du prêt garanti début juin par l'État.

"La liste des fonderies que Renault a sabotées est longue: Fonderies du Poitou, MBF dans le Jura, Liberty Alvance à Châteauroux, et ses propres fonderies à l'exemple de la Fonderie de Bretagne", dénonce la CGT. En outre, proteste-t-elle, le groupe s'est engagé à proposer des reconversions "sur ses sites industriels situés uniquement dans le nord de la France".

 

les salariés de la SAM protesteront "dans les urnes"

Geste symbolique, alors que le brouillard ne laissait filtrer qu'une lumière lugubre, les salariés ont jeté un à un leur carte d'électeur dans un immense brasero installé mercredi à l'entrée de leur usine à Viviez, dans l'ancien bassin minier de Decazeville.

Visages fermés, silencieux, la quasi totalité du personnel de ce fabriquant de carters était venue pour une AG prévue de longue date. Leurs représentants syndicaux leur ont alors détaillé "le coup de poignard" assené la veille par Renault.

Ghislaine Gistau, secrétaire CGT de la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), a dénoncé "le mépris" du groupe envers les salariés et les élus locaux.

"On a appris la nouvelle sur BFM. Les camarades qui manifestaient devant la préfecture de Rodez l'ont appris en rentrant, dans le bus !", a-t-elle déploré.

Le maire de Decazeville, François Marty (DVD), se dit abasourdi : "on compte pour rien, maintenant le mal est fait !"

"Renault s'était engagé il y a six mois pour 40 millions de chiffre d'affaires. On était soutenu par l'État, par la région et là, c'est fini ?", a-t-il déclaré à l'AFP, dans son bureau Empire de l'hôtel de ville, aux airs de manoir baroque édifié à la fin du XIXe siècle.

Decazeville, "c'était un fleuron industriel, au pied des mines de charbon. Maintenant, c'est un commerce sur deux fermé dans la rue principale", regrette-t-il.

"Tous ces discours sur la réindustrialisation, ça ne marche pas. Il y avait un repreneur... qu'on lui laisse une chance, qu'on lui laisse du temps", ajoute l'élu, las des promesses non tenues.

 

Jeté "comme un mouchoir"

Le constructeur automobile, auquel le tribunal avait donné jusqu'à mercredi pour se prononcer avant l'audience prévue vendredi, "regrette cette situation, mesure les conséquences de sa décision et poursuivra le dialogue avec les salariés de SAM afin de leur proposer des solutions alternatives d'emploi au sein du Renault Group".

Une nouvelle "promesse" sur un accompagnement auquel les salariés ne croient plus. "Ils licencient et ils vont nous embaucher où ? Dans le Nord, en Pologne, en Roumanie?", s'emporte Ghislaine Gistau.

Quelques salariés bravaient encore la pluie et le froid mercredi à la tombée de la nuit devant l'usine.

"C'est vrai que c'est un peu une famille ici", explique Lucas Rigal, 28 ans, entré il y a six ans à la SAM, licence pro en poche. "On m'a donné ma chance, j'ai pu progresser (...) J'aurais aimé faire carrière ici", confie-t-il tristement.

"L'avenir pour nous s'inscrit dans la lutte", lançait aux salariés David Gistau, autre représentant de la CGT, qui promet une réaction par "des mobilisations, par la justice et les urnes".

Philippe Martinez, secrétaire général du syndicat, est attendu jeudi en fin de journée pour un rassemblement à l'usine de la zone d'activité des Prades, cernée par les collines.

"Renault se comporte comme un véritable fossoyeur, sans morale et sans aucun scrupule", a condamné mercredi la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT. Pour le 1er décembre, jour de la Saint Éloi, patron des métallos, elle a appelé à un rassemblement "avec des bus de toute la France" en soutien aux SAM.

Pour ne pas sombrer dans l'anonymat, les salariés ont collé sur les murs de leur usine des affiches avec leur photo et quelques mots : "Thierry, 34 ans chez SAM, +La SAM, c'est aussi une vie sociale, un lieu ou l'on peut faire de belles rencontres+", "Patrice, +je suis fier d'avoir travaillé 26 ans à la SAM. Je suis SAM je reste SAM+" ou "Lilian, +32 ans d'une vie jetée comme un vulgaire mouchoir+".

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