SAM : fermeture entérinée, usine occupée

L'équipementier automobile SAM, qui emploie 350 personnes dans le bassin d'emploi sinistré de Decazeville, va immédiatement cesser son activité, a décidé vendredi le tribunal de commerce de Toulouse, alors que les salariés occupent l'usine et que des élus expriment leur "indignation".

"Ayant pris acte de la position de Renault", qui a refusé de soutenir l'unique projet de reprise, le tribunal "met fin (...) à la poursuite d'activité autorisée jusqu'au 10 décembre 2021, dans le cadre de la liquidation judiciaire", écrit-il dans son jugement.

Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), installée à Viviez sur les hauteurs de Decazeville, dans l'Aveyron, avait été placée en redressement judiciaire le 10 décembre 2019, puis, le 16 septembre dernier, en liquidation judiciaire avec prolongation d'activité jusqu'au 10 décembre.

Pour le tribunal de commerce, "il conviendra" de "procéder aux licenciements tels que prévus" dans le code du commerce, "ainsi qu'aux opérations de liquidation prévues" également dans ce code pour ce type de situation.

Unique donneur d'ordre de la SAM, Renault a sonné le glas des espoirs des salariés en refusant mardi de soutenir le seul projet de reprise de son sous-traitant par un de ses ex-dirigeants, Patrick Bellity, estimant qu'il "ne présentait pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires". Ce plan de reprise était soutenu financièrement par l'Etat et la région Occitanie.

Le constructeur automobile "poursuivra le dialogue avec les salariés de SAM afin de leur proposer des solutions alternatives d'emploi au sein du Renault Group", a-t-il aussi assuré.

 

"Dégoût"

Vendredi à l'usine, les salariés ne baissaient pas les bras.

"L'assemblée générale vient de décider à l'unanimité de poursuivre l'occupation de l'usine, de ne pas respecter la décision de justice totalement illégale. Ils sont déterminés et ils ne lâcheront rien", a déclaré David Gistau, responsable départemental de la CGT.

L'occupation va se "poursuivre jusqu'à ce que nous puissions obtenir ce que nous exigeons, à savoir que Renault et l'Etat respectent leurs engagements sur le maintien de 250 emplois et de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires", a-t-il dit.

"Pour nous déloger, il faudra qu'ils emploient la force!", a-t-il averti.

Après leur assemblée générale, les salariés ont fondu du métal sur la D 840, la route qui passe devant la SAM, avant de regagner l'usine.

La présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga a quant à elle dénoncé "la décision prise par Renault, qui précipite la fermeture de la SAM malgré le soutien de neuf millions d'euros de l'Etat et de la Région apporté au projet de reprise".

Dans un communiqué, elle "renouvelle son soutien aux salariés et salue leur mobilisation exceptionnelle pour sauver la fonderie".

 

"Le mal est fait!"

Arnaud Viala, président LR du Conseil départemental de l'Aveyron, a de son côté exprimé sa "colère". "C'est un grand désarroi, une grande tristesse pour les salariés qui se sont mobilisés et pour le bassin decazevillois. Je ne suis pas surpris. Je suis très en colère contre tous les paramètres qui ont conduit à cette décision", a-t-il déclaré à l'AFP.

Pour le maire DVD de Decazeville, François Marty, "on ne compte pour rien, maintenant le mal est fait!"

"J'ai mis le président de la République et le Premier ministre devant leurs responsabilités. On ne peut pas toujours se cacher derrière le PDG de Renault, entreprise dont le premier actionnaire est l'Etat", a déclaré de son côté le leader de la CGT, Philippe Martinez.

Une manifestation de soutien aux salariés de la SAM a réuni jeudi soir à Viviez 1.200 personnes, selon la préfecture, 3.000 selon les syndicats, en présence de M. Martinez.

 

"Insuffisance d'investissements"

"Ca fait deux ans que nous nous battons avec mes équipes au ministère pour retrouver un repreneur solide. Alors aboutir à une liquidation en fin de parcours, c'est un échec", a reconnu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

Selon lui, ce résultat est notamment dû à une "insuffisance des investissements" sur le site ces dernières années, couplée à une accélération de la transition technologique.

Le ministre s'est engagé à accompagner financièrement "ceux qui sont intéressés par prendre un poste plus loin" géographiquement, mais aussi à trouver une solution à "tous ceux qui voudront rester sur le site et le bassin de Decazeville".

Il a assuré que "tout sera fait afin que ce grand bassin industriel, qui est une fierté nationale, puisse avoir de nouvelles activités industrielles", reconnaissant toutefois qu'il n'y avait "pas encore de pistes concrètes".

Dans l'immédiat, "chacun doit exercer ses responsabilités, et la première des responsabilités appartient à Renault, dont nous exigerons qu'il accompagne chaque salarié avec le soutien financier nécessaire, ainsi qu'avec des mesures de reclassement, de formation, de qualification", a-t-il réaffirmé.

Et la responsabilité de l'Etat est aujourd'hui "de débloquer des moyens du fonds de transition de 50 millions d'euros que nous avons mis en place pour les fonderies afin d'apporter un soutien à chaque salarié" qui voudrait créer sa propre entreprise ou bénéficier d'une formation de qualification.

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