Réparation: préserver les savoir-faire d'antan...

Régler un carburateur, former une pièce de carrosserie ou réparer une bobine d'allumage: la filière automobile française se mobilise afin de sauvegarder ces savoir-faire rendus obsolètes par l'évolution technologique mais qui restent nécessaires pour préserver le patrimoine roulant.

Près de 800.000 véhicules d'avant 1985 sont immatriculés en France, détenus par 230.000 propriétaires. L'entretien et la restauration de ces voitures et motos représente un chiffre d'affaires annuel de quatre milliards d'euros et 20.000 emplois, selon la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE).

Comme le montre la popularité du salon Rétromobile qui ouvre le 8 février pour cinq jours à Paris, "c'est un domaine d'activité qui n'est plus négligeable" et qui croît régulièrement, assure à l'AFP Philippe Mercier, responsable de la "transmission des savoir-faire" au sein des instances dirigeantes de la FFVE.

La filière est surtout composée de PME. Or, leurs patrons "ont beaucoup de mal, sur le marché du travail, à recruter du personnel qui soit formé aux techniques de la voiture ancienne: la tôlerie, la sellerie ou les problèmes mécaniques", selon M. Mercier.

"Il y tout un pan de l'histoire de la maîtrise automobile qui disparaît avec les vieux briscards des garages qui partent à la retraite", confirme Benoît Friede, responsable des enseignements techniques et professionnels à l'école nationale des professions de l'automobile, le Garac.

Cas emblématique des compétences perdues: le carburateur, accessoire qui règle le mélange essence-air à l'entrée du moteur. "Toutes les voitures d'avant 1970 sont des voitures à carburateur", rappelle Michel Loreille, président de la branche "véhicules historiques" nouvellement formée au sein du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA).

"Or, aujourd'hui vous n'avez plus une seule formation pour apprendre à régler un carburateur. La génération actuelle de mécaniciens n'a jamais appris cela à l'école", constate-t-il.

Actuellement, les lycées professionnels forment les futurs techniciens d'atelier à manipuler la fameuse "valise diagnostic" qui se branche sur l'électronique de la voiture pour établir la cause d'une panne.

 

Former la prochaine génération

Cette valise "est un outil tellement formidable qu'on peut oublier de réfléchir" et se retrouver désarmé face à une mécanique ancienne, remarque pour sa part Hugues Portron, directeur de Renault Classic, chargé d'entretenir les quelque 750 véhicules du patrimoine de la marque au losange.

Pour sa petite équipe, M. Portron recrute "d'excellents généralistes" dans le réseau Renault et insiste sur deux autres qualités: "la curiosité et l'humilité", tant restaurer et entretenir une ancienne dans le respect de l'origine "n'est pas une solution de facilité. Il faut réapprendre les gestes, réapprendre la logique" d'antan, avec l'aide des aînés.

Au-delà du compagnonnage, la pénurie de compétences menaçant le secteur mène le CNPA et la FFVE à réfléchir à des formations officielles, qui n'existent pas encore. Le CNPA veut que soit mise en place "toute une filière de formation avec un diplôme reconnu, et amener du sérieux", insiste M. Loreille.

Quant à la FFVE, elle réfléchit à "coordonner des actions de formation et monter des programmes avec des organismes dont c'est le métier", indique M. Mercier, en évoquant parmi les pistes des formations en alternance avant ou après un bac professionnel.

Tous saluent l'initiative d'une association, "Des voitures et des hommes", qui a lancé en juin dernier un chantier titanesque: la reproduction à l'identique d'une Citroën autochenille pionnière de la traversée du Sahara au début des années 1920, surnommée le "Scarabée d'Or".

Former la prochaine génération de "mécaniciens, carrossiers, tôliers formeurs, peintres, selliers, menuisiers, ébénistes" est au coeur de ce projet, s'enthousiasme le président de l'association, Olivier Masi. Démonté, numérisé, le "Scarabée d'Or" devrait finir d'être cloné en 2019 pour le centenaire de la marque aux chevrons.

Pour ce faire, vont être mis à contribution les élèves du lycée professionnel des métiers de l'automobile et du transport Château d'Epluches (Saint-Ouen-l'Aumône, Val d'Oise), établissement qui souhaite ouvrir dès la rentrée 2017 une formation post-bac pro et CAP de "maintenance et restauration de véhicules historiques" et cherche, afin de valider cette initiative, des entreprises prêtes à prendre ces élèves en stage.

Le Garac réfléchit lui aussi à l'idée d'une formation complémentaire spécialisée en "voitures anciennes", selon M. Friede.

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