Renault/FCA: réactions françaises et italiennes à l'échec

Les réactions se sont multipliées jeudi, des deux côtés des Alpes. La France se justifie en soulignant n'avoir demandé que le temps raisonnable de s'assurer de l'adhésion de Nissan, quand les politiques italiens vilipendent l'ingérence de l’État français...

Les autres infos sur la fusion Renault/FCA

Réactions en France...

Bruno Le Maire, ministre de l'économie : le gouvernement reste "ouvert à toute perspective de consolidation industrielle".

"Nous restons ouverts à toute perspective de consolidation industrielle, mais une fois encore, dans la sérénité, sans précipitation, pour garantir les intérêts industriels de Renault et les intérêts industriels de la nation française", a déclaré M. Le Maire à l'Assemblée nationale.

Le ministre, interrogé lors des questions au gouvernement, n'a pas donné de précision sur la nature de cette "consolidation" et sur les potentiels partenaires, alors qu'une fusion avec Fiat Chrysler (FCA) est désormais exclue. FCA a pointé la responsabilité du gouvernement dans cet échec.

S'exprimant sur l'échec des négociations lancées avec le constructeur italo-américain, M. Le Maire a assuré qu'elles n'avaient pas pu aboutir faute de garanties réclamées dès le début sur la préservation de l'alliance avec Nissan, partenaire de Renault depuis 20 ans.

"Est-ce que ce projet de fusion était une opportunité industrielle pour Renault? Oui. Est-ce que toutes les conditions étaient réunies pour garantir le succès de l'opération? Non", a déclaré le ministre, rappelant avoir "posé plusieurs conditions" au projet.

"Certaines de ces garanties étaient remplies, l'une ne l'était pas: c'est le respect de l'alliance entre Renault et Nissan (...) Nous avons demandé quelques jours supplémentaires pour discuter avec la partie japonaise et lancer ce projet de fusion dans les meilleures conditions: Fiat a fait un choix différent en retirant son offre", a-t-il expliqué.

Le ministre a cependant réfuté toute fragilisation du groupe au losange, dont le cours en bourse a perdu près de 6% jeudi après l'annonce de l'échec des négociations avec Fiat Chrysler.

"Renault est une entreprises solide, performante", a-t-il assuré. "Ensuite, il faut consolider l'alliance entre Renault et Nissan. L'entreprise va s'y employer" et "je vais m'y employer", a assuré le locataire de Bercy, qui évoquera lundi avec son homologue nippon le dossier Renault-Nissan lors d'un déplacement au Japon.

 

Muriel Pénicaud, ministre du Travail : "pas d'alliances dans la précipitation"

La ministre du Travail Muriel Pénicaud a estimé jeudi, après l'échec des négociations entre Fiat et Renault, qu'il ne fallait pas faire "d'alliances dans la précipitation", de manière à pouvoir étudier "les conséquences en matière de stratégie industrielle, d'innovation, d'emploi".

"On ne peut pas faire des alliances dans la précipitation", a indiqué sur RFI la ministre du Travail, après que Fiat Chrysler (FCA) a retiré son offre de fusion avec Renault et fait porter la responsabilité de cet échec au gouvernement français.

"Il est normal que le conseil d'administration de Renault demande plusieurs semaines et plusieurs mois pour étudier une offre, et pas plusieurs jours, pour voir les conséquences en matière de stratégie industrielle, d'innovation, d'emploi qui est un sujet essentiel", a-t-elle dit.

"Les précautions qu'on prend pour protéger l'innovation et l'emploi, c'est normal que le gouvernement français supporte le conseil d'administration dans ce sens-là", a-t-elle ajouté.

"C'est normal que le conseil d'administration soit exigeant, si l'autre partie ne veut pas prendre le temps de cet examen approfondi et de ces précautions", a-t-elle poursuivi.

"Je dis et, j'ai de l'expérience en la matière, que quand deux groupes se rapprochent, ça doit être une stratégie industrielle avant d'être une appréciation politique", a encore indiqué Muriel Pénicaud.

 

Gérald Darmanin, ministre du Budget: "Demander du temps pour un mariage, c'est normal"

"L'Etat français a demandé des garanties. Il a bien fait. Demander du temps pour un mariage, c'est normal", a renchéri Gérald Darmanin, sur la radio Franceinfo, ne fermant cependant pas la porte à une reprise des négociations. "Aujourd'hui, il faut protéger l'emploi automobile français", a-t-il ajouté.

 

La CGT Renault "satisfaite", la CFDT "surprise"

Le syndicat CGT de Renault s'est "félicité" jeudi du retrait soudain par le groupe italo-américain Fiat Chrysler de son offre de fusion avec le constructeur français, pour lequel il réclame "une stratégie industrielle", tandis que la CFDT s'est dite "surprise de cette décision rapide".

"C'est la politique industrielle de Renault et de la filière automobile française qui doit désormais être à l'ordre du jour", estime la CGT Renault, qui "se félicite" dans un communiqué de l'abandon d'une "opération purement financière et bien éloignée d'une réelle stratégie industrielle offrant des perspectives de développement à Renault et à la filière automobile française".

Si "nous sommes tout à fait satisfaits" du retrait de cette offre, "nous ne sommes pas pour le statu quo car l'entreprise est largement fragilisée. On doit se poser la question: quelle stratégie industrielle pour Renault?" et "on est toujours très inquiets" pour les emplois au sein du groupe, a déclaré à l'AFP Fabien Gâche, délégué central CGT du constructeur automobile français.

Le syndicat réclame dans son communiqué "des dirigeants qui ne soient plus obsédés par le niveau de rentabilité toujours plus délirant (...) mais par la capacité de l'entreprise à concevoir des véhicules populaires répondant aux besoins de mobilité des populations, à leur pouvoir d'achat et aux enjeux écologiques".

"Chez Renault, des ingénieurs ont travaillé sur un véhicule électrique populaire qui a été refusé par la direction générale, non pas parce qu'il n'était pas rentable, mais parce qu'il n'était pas au niveau de rentabilité exigé aujourd'hui", a indiqué M. Gâche.

Quant à l'Etat, qui possède 15,1% du capital de Renault, "il doit jouer son rôle comme actionnaire de référence" du groupe "pour enfin élaborer conjointement une stratégie industrielle pour l'entreprise", considère la CGT Renault.

La CFDT a "pris acte du retrait" de l'offre de fusion de Fiat Chrysler. "Surprise de cette décision rapide", elle "regrette de ne pas pouvoir passer à l'étape suivante qui aurait permis d'appréhender plus en profondeur les enjeux de ce dossier".

Le syndicat estime dans un communiqué que Renault "ne devra pas s'interdire d'autres opportunités dans l'avenir pour le bien de l'emploi et de l'Alliance" avec les groupes japonais Nissan et Mitsubishi.

SUD a lui souligné qu'"une fusion entre Renault et Fiat ne peut pas se décider à coup de pression et en deux semaines".

 

...réactions en Italie

De nombreuses personnalités en Italie, de tous bords, ont critiqué la France.

 

Luigi Di Maio, vice-premier ministre italien, déplore les ingérences politiques dans l'économie

Le retrait par le constructeur Fiat-Chrysler (FCA) de sa proposition d'alliance avec Renault montre que l'intervention politique dans des discussions économiques peut être dommageable, a déclaré jeudi le vice-Premier ministre italien, Luigi Di Maio.

"Quand la politique cherche à intervenir dans des procédures économiques, elle n'agit pas toujours correctement, je ne veux pas m'exprimer davantage", a déclaré à la radio M. Di Maio, chef de file du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème) et ministre du Développement économique.

 

Annamaria Furlan, secrétaire générale de la CISL, deuxième confédération syndicale italienne :

La France "a montré qu'elle ne comprenait pas l'importance de cette opération pour l'Europe. Je pense que la France a fait preuve de trop de provincialisme", a déclaré Annamaria Furlan, secrétaire générale de la CISL, la deuxième confédération syndicale italienne.

Carmelo Barbagallo, chef de l'UIL, troisième confédération syndicale du pays, a déploré quant à lui "une occasion perdue" pour les deux groupes.

Osvaldo Napoli, un responsable de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi (droite) : "le flop (...) a montré toutes les limites d'un européisme purement déclamatoire, prêt à se transformer en nationalisme exaspéré quand il s'agit de protéger les intérêts économiques et sociaux de la France".

Giorgia Meloni, cheffe du petit parti d'extrême droite Fratelli d'Italia (FDI) : elle a accusé la France de ne pas respecter "les règles d'un marché libre".

dec/er/bfa/spi/vab/ef/eb

© 2019AFP