Renault se défend d'arriver trop tard en Chine

A l'heure de débuter sa production en Chine, Renault se défend de s'être implanté "trop tard" sur ce marché crucial, où il entend pallier son déficit de notoriété grâce à un positionnement ciblé sur les 4x4 urbains, l'appui de son partenaire Nissan, et l'aura d'une star de cinéma locale.

La première usine chinoise du groupe, objet d'une coentreprise avec le constructeur local Dongfeng, a été inaugurée lundi sous la neige et en grande pompe par son PDG Carlos Ghosn.

Renault était le dernier grand constructeur occidental à ne pas disposer de présence industrielle en Chine. Il faisait de la figuration sur le premier marché automobile mondial, où il a importé quelque 15.000 véhicules l'an dernier: une goutte d'eau face aux quelque 24 millions de véhicules vendus dans le pays.

Mais n'arrive-t-il pas après la bataille?

"La situation est délicate pour Renault. Il y a cinq ou six ans, le marché chinois était vigoureux, mais la situation s'est dégradée et la concurrence s'est beaucoup aiguisée. Or leur marque est très peu connue", explique à l'AFP Jia Xinguang, analyste du cabinet China Automotive Industry Consulting.

Les ventes automobiles ont encore grimpé de 4,7% en 2015 (+7% pour les seules voitures particulières), mais en ralentissement marqué par rapport aux années précédentes. Des problèmes de surcapacités minent le secteur, les marges pâtissent, et les marques chinoises avancent.

Renault affiche cependant son optimisme: "On aura peut-être une rentabilité moins bonne", mais une croissance annuelle de 5% représente en Chine "un million de voitures supplémentaires par an", fait valoir Jacques Daniel, président de la coentreprise mise en place avec Dongfeng.

 

Priorité aux SUV pour décoller vite

Par ailleurs, la base de production et les coûts de Renault en Chine sont nettement optimisés grâce aux synergies avec son partenaire japonais Nissan, explique M. Daniel. L'usine de Wuhan, "copié-collé" des installations du groupe nippon, possède des machines et équipements similaires, et partagera pour l'essentiel le même tissu de fournisseurs.

"Arriver tard a également ses avantages: nous bénéficions de l'expérience de Nissan" et d'une usine aux équipements les plus récents, a plaidé Carlos Ghosn.

Surtout, le groupe au losange mise d'emblée sur une carrosserie unique: les SUV (4x4 urbains), dont la demande explose en Chine, avec une croissance de quelque 50% en 2015, et qui représentent environ 30% du marché.

"On arrive tard, mais avec le bon produit", a résumé Jacques Daniel. "C'est le créneau le plus porteur, il faut saisir cette opportunité-là", renchérit Hu Xindong, vice-président de la coentreprise.

L'usine de Wuhan commencera donc par assembler le Kadjar, dernier-né des crossovers de Renault en empruntant une plateforme Nissan: là encore une façon de maximiser les coûts, grâce aux composants communs, et d'accélérer la mise en place de la production.

Mais un Kadjar décliné pour s'adapter aux goûts locaux, avec toit panoramique ouvrant. Un deuxième crossover sortira ensuite des chaînes de Wuhan avant la fin de l'année.

Le Français a par ailleurs entrepris de muscler son réseau de concessionnaires, passé de 80 à environ 125 actuellement, et qui devrait s'étendre prochainement à 150. L'idée est d'arriver rapidement aux niveaux de rentabilité exigés par Pékin pour autoriser un élargissement de la gamme commercialisée.

 

Fan Bingbing ambassadrice

"C'est d'abord plus facile de construire une marque en l'illustrant avec un seul produit, puis deux", a expliqué M. Ghosn, en reconnaissant qu'en termes de notoriété, la firme au losange part de très loin. "Les voitures importées sont très peu compétitives, votre influence est très limitée."

"Le manque de familiarité peut faire défaut. Les Chinois en ont parfois entendu parler (de Renault), mais ne savent pas ce qu'il y a derrière, il n'y en pas beaucoup, personne dans leur entourage n'en conduit une", abonde Jacques Daniel.

La participation récurrente de Renault aux courses de Formule-1 à Shanghai a contribué à mieux faire connaître son nom en mandarin, "Lei Nuo".

Mais le constructeur table avant tout sur son association avec l'actrice Fan Bingbing, star célébrissime en Chine, pour faire décoller ses ventes. C'est elle qui a présenté en novembre dernier le Kadjar au public chinois lors du Salon de Canton (sud).

"Construire une usine en Chine n'est pas bien compliqué", commentait Hu Xindong. "Gagner la confiance des consommateurs et susciter l'admiration pour la marque, c'est plus ardu". Et cela prend du temps: Renault entend capturer 3,5% du marché chinois, mais s'est gardé de préciser un calendrier.

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