Renault : les cols blancs contre des "licenciements déguisés"

Deux mouvements de protestation en moins de deux semaines, un projet d'externalisation qu'ils n'acceptent pas : chez Renault, les salariés de l'ingénierie ont de nouveau débrayé mardi pour s'opposer au transfert de 27 de leurs collègues chez un sous-traitant et dénoncer des "licenciements déguisés".

"On est là pour dire non à l'externalisation de la maintenance" des matériels d'essai des moteurs, "on est dégoûté de voir qu'au bout de 35 ans de carrière, on peut être jeté comme des kleenex", s'est insurgé au micro Florent Grimaldi, de la CGT, devant des salariés connectés à distance ou réunis au centre technique de Lardy (Essonne) à l'appel de l'intersyndicale de ce site du groupe automobile.

À Lardy, 17 techniciens et ingénieurs de Renault sont visés par le projet qui concerne aussi des salariés du groupe à Aubevoye (Eure), Guyancourt (Yvelines) et au Mans. Les syndicats y voient des "départs contraints" alors qu'en parallèle, des dispositifs de départs volontaires sont ouverts dans l'ingénierie pour supprimer 2.500 postes en France, via des pré-retraites ou un accord de rupture conventionnelle collective (RCC).

"Il faut nous opposer de toutes nos forces" à cette externalisation, basée sur "l'article L 1224-1 du Code du travail" et "se battre jusqu'au bout", a prôné M. Grimaldi, en plaidant pour une mobilisation "plus dure" et en craignant, après ce premier projet, d'autres transferts d'activités et de salariés à des entreprises sous-traitantes.

Le directeur de l'ingénierie de Renault, Gilles Le Borgne, "a fait exactement la même chose" quand "il était chez Peugeot", a souligné le syndicaliste. En 2015, "il avait commencé par la maintenance, c'était vingt salariés", mais "il en avait viré en tout 400", transférés cette année-là vers des "boîtes de sous-traitance", a-t-il dit.

Saluant l'unité syndicale à Lardy contre une "vente frauduleuse", Noël Desgrippes, de la CFDT a précisé que les élus du comité social et économique (CSE) du site avait obtenu lundi la réalisation d'une "expertise" sur ce projet qui contient "une réorganisation absolument pas légale" de l'activité visée, préalable à l'externalisation.

"On est vent debout contre cette vente", "les salariés restent Renault" et "on va continuer" la mobilisation, a-t-il promis.

- "De la souffrance sociale" -

Même ton offensif à la CFE-CGC. "À nous de nous mobiliser pour que Renault tienne ses engagements et respecte l'esprit de l'accord" sur les suppressions de postes: "pas de contraintes pour partir, c'est du volontariat". Mais "ce n'est pas ce qui se passe actuellement" avec "de la souffrance sociale", a protesté Samuel Batard, du syndicat de l'encadrement.

Ces "licenciements déguisés" sont "inacceptables" et "on est tous concernés", a jugé Stéphane Rousseau de SUD, en rappelant que le président de Renault, Jean-Dominique Senard, avait affirmé au printemps 2020 que la restructuration du groupe n'engendrerait "aucune souffrance sociale".

Selon l'intersyndicale de Lardy, "830 salariés de l'ingénierie se sont mobilisés" mardi sur différents sites, y compris des salariés de sous-traitants. La direction a compté de son côté "500 personnes mobilisées sur quatre sites", a déclaré une porte-parole de Renault à l'AFP.

Le mouvement s'est "étendu" et "renforcé" depuis la première action, le 18 mars, limitée à Lardy et Aubevoye, s'est félicitée la CGT, soulignant qu'une telle mobilisation est "inédite dans la recherche et développement de Renault". "Des ingénieurs, chefs d'équipe qui débrayent, c'est du jamais-vu. Tous les salariés craignent de perdre leur poste", a estimé M. Grimaldi auprès de l'AFP.

Pour l'intersyndicale, c'est parce que "la RCC ne fait pas recette" que le groupe lance des "départs contraints". Selon la porte-parole de la direction, actuellement, "300 départs sont validés et 1.000 personnes en cours de contacts avec les consultants" en vue d'un éventuel départ. "Les dispositifs suivent leurs cours" et "l'ensemble des acteurs sont engagés pour mener à bien ce plan", a-t-elle dit.

D'ores et déjà, la CGT et SUD ont inscrit un nouveau rendez-vous à leur agenda: un rassemblement le 8 avril à Boulogne-Billancourt, devant le siège de Renault.

er/cel/or

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