Renault: bénéfice net à 3,3 milliards d'euros, -37% en 2018

Renault a soldé jeudi l'ère Carlos Ghosn, incarcéré au Japon, avec l'annonce d'une chute de 37% de son bénéfice net en 2018 à 3,3 milliards d'euros en raison d'une moindre contribution de son partenaire japonais Nissan.

Mais, dans un marché automobile mondial qui s'est brutalement détérioré durant les derniers mois de 2018, les investisseurs ont préféré retenir le maintien d'une rentabilité opérationnelle solide, à 6,3% des revenus (plus représentative de la santé de l'activité) et la confirmation d'objectifs ambitieux. L'action Renault progressait de 2,5% vers 11H30.

La contribution de Nissan, détenu à 43% par le constructeur français, a baissé de près de moitié l'an dernier, à 1,51 milliard d'euros, essentiellement à cause de la disparition d'éléments exceptionnels qui avaient gonflé les profits du partenaire nippon en 2017, notamment les baisses d'impôts pour les entreprises votées aux Etats-Unis.

"Renault a maintenu en 2018 une performance élevée malgré une détérioration de son environnement", a affirmé jeudi Thierry Bolloré, nommé directeur général exécutif fin janvier.

Très attendu, il présentait pour la première fois les résultats annuels du groupe, après avoir pris la succession de Carlos Ghosn, démissionnaire du fait de ses mises en examen au Japon pour des malversations et abus de biens sociaux.

M. Bolloré a rassuré sur les ambitions de Renault, tout en énumérant les vents contraires subis en 2018: effondrement des marchés en Argentine et en Turquie, arrêt des activités en Iran à cause des sanctions américaines, hausse des matières premières, chute de plusieurs devises de pays émergents, et difficultés d'adaptation aux nouvelles normes d'homologation en Europe plus exigeantes sur les émissions polluantes...

"Nous confirmons les objectifs de notre plan stratégique", a-t-il lancé lors d'une conférence de presse. Renault table sur des ventes mondiales à 5 millions de véhicules, un chiffre d'affaires supérieur à 70 milliards d'euros et plus de 7% de marge opérationnelle à l'horizon 2022.

Le groupe au losange (qui inclut Dacia, Lada, Samsung Motors, Alpine, et les utilitaires vendus en Chine sous les marques Jinbei et Huasong) se montre cependant plus prudent que l'an dernier sur ses objectifs annuels.

Pour 2019, Renault "vise une marge opérationnelle du groupe de l'ordre de 6%". Il prévoit cependant "un chiffre d'affaires en hausse à taux de change et périmètre constants" dans un marché mondial qui devrait stagner.

Sur 2018, le chiffre d'affaire a reculé de 2,3%, à 57,4 milliards d'euros, essentiellement sous l'effet de la chute des devises en Argentine, au Brésil, en Russie et en Turquie. Renault vend désormais plus d'un véhicule sur deux hors d'Europe.

 

Potentiel de l'électrique

Hors effet des taux de changes, il aurait progressé de 2,5%. Le groupe avait annoncé en janvier un nouveau record de ventes mondiales en volume, à 3,9 millions de véhicules, grâce à sa gamme "low cost" qui gagne des parts de marché en Europe comme dans les pays émergents.

Thierry Bolloré a salué le succès de la citadine Renault Clio, deuxième voiture la plus vendue en Europe, qui doit être renouvelée cette année.

Il a insisté sur le potentiel des véhicules électriques, notamment la petite Zoe et l'utilitaire Kangoo, dont les ventes mondiales ont augmenté de 37% pour représenter 3% des revenus du groupe. Renault s'est positionné en pionnier sur ces technologies.

Le constructeur affiche désormais une rentabilité opérationnelle de 50% supérieure à celle de Nissan. Longtemps locomotive de l'alliance franco-japonaise, le partenaire nippon avait annoncé mardi une chute de 45% de ses profits entre avril et décembre 2018, à 2,5 milliards d'euros.

M. Bolloré a annoncé jeudi un nouveau programme, baptisé Fast, pour améliorer les performances du groupe au losange. Il prévoit une baisse des coûts fixes de 5% par an et une réduction des cycles de développement des nouveaux modèles à trois ans, contre cinq auparavant.

Pour Gaëtan Toulemonde, analyste pour la Deutsche Bank, l'un des points faibles du bilan de Carlos Ghosn est qu'il n'a jamais réussi à vendre correctement aux investisseurs l'alliance avec Nissan, élargie en 2017 à Mitsubishi, avec pour conséquence une mauvaise valorisation de l'action Renault.

L'affaire Ghosn et les tensions qu'elle a engendrées depuis plusieurs mois entre Paris et Tokyo a encore accru les doutes sur la solidité d'une alliance bâtie sur des participations croisées non majoritaires entre des entreprises restées indépendantes. Celle-ci est pourtant cruciale pour chacun des partenaires. Elle a rapporté l'an dernier 2,4 milliards d'euros de synergies au constructeur français.

Le trio Renault-Nissan-Mitsubishi s'était hissé en 2017 en tête des ventes automobiles mondiales, devant Volkswagen et Toyota.

L'ensemble franco-japonais a conservé son premier rang en 2018, avec 10,76 millions de véhicules vendus dans le monde. M. Bolloré a tenu à dissiper les doutes sur son avenir. "Nous tous, au sein de l'alliance, nous voulons plus d'alliance (...) c'est un de nos biens les plus précieux", a-t-il assuré.

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