PSA/Fiat : pourquoi l'Etat dit oui à PSA après non à Renault

L'Etat français, qui s'était opposé à une fusion de Renault avec Fiat sans l'accord de Nissan, encourage aujourd'hui le mariage de PSA avec le constructeur italo-américain parce qu'il permet à la maison-mère de Peugeot d'atteindre une taille critique indispensable face aux mutations du secteur.

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"Grâce à cette opération, la France va pouvoir disposer de deux constructeurs automobiles parmi les cinq champions mondiaux", s'est réjoui le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire lors d'un point presse jeudi.

"Je préfère que la France et l'industrie automobile française soient parties à ce mouvement de consolidation plutôt qu'elles en soient exclues", a-t-il ajouté.

Atteindre une taille critique est indispensable pour réaliser les investissements nécessaires à l'avènement de la voiture électrique et du véhicule autonome, qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros.

Si le groupe au losange, déjà dans une alliance avec les japonais Nissan et Mitsubishi, avait fusionné avec l'italo-américain, PSA aurait dû pour grandir se trouver un autre partenaire, et il n'y en a pas beaucoup sur le marché.

D'autre part, "la France avait fixé des conditions dont le fait que ça fonctionne avec Nissan. Or, les Japonais n'étaient pas dans la boucle et ont menacé de partir de l'alliance", explique-t-on de source française.

Officiellement, le gouvernement "avait posé des conditions sur la table qui étaient exactement les mêmes" qu'aujourd'hui pour PSA, a déclaré au micro d'Europe 1 la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher.

Ces conditions étaient des garanties sur "la gouvernance, la valorisation et l'empreinte industrielle et une quatrième condition qui était le fait que l'alliance soit totalement d'accord et que l'alliance fonctionne, et c'est cette quatrième condition qui a fait capoter" l'accord, a-t-elle précisé.

 

L'Etat moins présent chez PSA

Mme Pannier-Runacher a aussi rappelé que "c'est Fiat qui a refusé et qui a retiré son offre" de rapprochement avec Renault, l'Etat français ayant demandé du temps pour convaincre les Japonais.

Mais de fait, le président de Fiat Chysler Automobiles (FCA) John "Elkann a reconnu très tôt qu'il y avait un gros problème, car une guerre a éclaté entre Renault et Nissan, et cette guerre est loin d'être terminée", a assuré à l'AFP Ferdinand Dudenhöffer, économiste spécialiste du secteur automobile à l'université de Duisburg-Essen en Allemagne.

M. Le Maire s'est voulu rassurant vendredi sur l'avenir de l'ensemble Renault-Nissan, louant "le renforcement de l'alliance industrielle qui est en train d'être mis en place par (son président) Jean-Dominique Senard".

"La définition d'une stratégie industrielle pour l'alliance Renault-Nissan est en cours", selon le ministre de l'Economie.

Les observateurs soulignent aussi que le poids de l'Etat est moins important et beaucoup plus récent chez PSA, où la famille Peugeot continue à jouer un rôle déterminant, que chez Renault, où il est actionnaire de référence de manière continue depuis 75 ans.

Chez PSA, "l'Etat, je le rappelle est présent au capital de Peugeot à travers la banque publique d'investissement (BPI) - nous ne sommes pas actionnaire de référence comme chez Renault", a dit M. Le Maire.

Le commissaire européen Pierre Moscovici, qui était ministre des Finances lorsque l'Etat est venu à la rescousse de PSA au côté du groupe automobile chinois Dongfeng, se rappelle que "l'entreprise était menacée de disparition avec un capital familial qui n'avait plus les moyens d'une grande ambition". "En 2014, nous avons sauvé l'entreprise et elle a retrouvé la santé financière", a-t-il déclaré à l'AFP.

Et contrairement à Renault, "l'Etat va probablement se désengager" un jour ou l'autre de chez PSA, prédit M. Dudenhöffer.

Signe que la participation de l'Etat n'est pas nécessairement destinée à durer, le projet de fusion prévoit que la famille Peugeot puisse augmenter sa participation en rachetant une partie des actions de BPI ou de Dongfeng, qui ne seront pas soumises à une période d'incessibilité de trois ans.

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