PSA veut revenir aux USA, avec une prudence de Sioux

Un quart de siècle après avoir quitté les Etats-Unis sur un échec, le groupe automobile français PSA a annoncé mardi son ambition d'y retourner prudemment, en entamant par de l'autopartage un plan décennal de développement.

Les Américains ne pourront pas acheter de Peugeot, Citroën ou DS neuves au mieux avant plusieurs années. Mais les ambitions affichées par PSA marquent une rupture de stratégie pour le groupe automobile français, absent depuis 1991 du second marché automobile mondial.

"Pour que l'entreprise puisse continuer à grandir de manière rentable et avec une perspective d'avenir qui soit brillante, il faut que PSA revienne en Amérique du Nord", a déclaré son président du directoire Carlos Tavares.

Mais l'entreprise "ne reviendra pas en Amérique du Nord n'importe comment. PSA reviendra progressivement, de manière raisonnée, de manière raisonnable, et dans la durée. C'est la raison pour laquelle nous avons bâti un plan à dix ans", a ajouté M. Tavares lors d'une conférence de presse.

Ce plan s'articule en trois mouvements: d'abord, "une activité d'opérateur de mobilité, d'autopartage", afin de mieux cerner les consommateurs américains. Une deuxième étape "consistera à mettre dans les flottes de ces opérateurs de mobilité des véhicules de nos marques", selon M. Tavares. Au cas où ces deux étapes réussiraient, "nous passerons éventuellement à la troisième étape qui est celle de la vente de nos propres marques sur le marché américain".

Ce dernier est considéré comme l'un des plus difficiles à pénétrer, rançon d'un taux d'équipement de près de 800 voitures pour 1.000 habitants (contre moins de 100 en Chine), d'un territoire très étendu qui rend difficile d'installer un réseau digne de ce nom, sans parler de sa forte sensibilité à la conjoncture macroéconomique et pétrolière.

 

Des taxis Peugeot à New York

"Le marché nord-américain est un marché extrêmement compliqué, d'autant plus qu'il a retrouvé ses niveaux d'avant-crise", remarque Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile. Et "encore faut-il avoir la gamme adéquate de produits" pour des clients friands de gros 4x4 et de pick-ups, souligne-t-il.

"Je ne suis pas surpris qu'ils soient très prudents, la question est de savoir si la porte d'entrée qu'ils veulent utiliser est la bonne", ajoute M. Neuvy. De source proche de PSA, on remarque que les services d'autopartage de type ZipCar ou Car2Go connaissent une forte croissance dans les métropoles densément peuplées de Californie ou de la côte Est.

"J'ai beaucoup d'amis qui n'ont pas de voiture mais qui ont la carte d'un service d'autopartage", confirme à l'AFP Karl Nelson, un habitant de Washington, propriétaire de deux vieilles Peugeot 505, dont il loue le confort et la tenue de route.

Pour PSA, "cela pourrait être une bonne façon d'exposer la jeune génération à de nouvelles voitures, sans leur demander de prendre le risque de les acheter", estime ce juriste de 39 ans.

Mais M. Nelson, dont la famille possède des voitures françaises depuis 1959, prévient que si PSA décide finalement de vendre ses voitures aux Etats-Unis, l'entreprise "se frottera à un marché qui ne sait plus rien d'elle".

Les dernières Peugeot vendues aux Etats-Unis datent en effet de 1991. Les ultimes Citroën y ont débarqué de France en 1974.

Peugeot, arrivé aux Etats-Unis en 1958 pour récupérer des devises sous l'impulsion du gouvernement français, a connu un certain succès lors des chocs pétroliers des années 1970 avec les 504 diesel, puis les 505, qui avaient même été adoptées par des compagnies de taxi new-yorkaises, rappelle à l'AFP l'historien de l'automobile, Jean-Louis Loubet.

Mais les 405, à la fin des années 1980, n'étaient pas adaptées au marché et PSA, qui avait essuyé de lourdes pertes, a finalement renoncé, souligne-t-il.

Sina Pourcyrous, 23 ans, un banquier de Chicago (Nord), pense que les jeunes Américains pourraient être plus réceptifs à des voitures françaises "que l'habitant du Midwest moyen qui voudrait plutôt une Ford ou une Chevrolet".

Toutefois, prévient-il, "je ne pense pas que les nouveaux modèles (de PSA) aient le même caractère" que les anciennes générations, comme la Peugeot 505 STI de 1983 héritée de son père et qu'il a restaurée.

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