Procès contre Waymo / Uber: l'ex-patron d'Uber nie toute implication

L'ex-patron d'Uber Travis Kalanick a nié mercredi avoir organisé un vol de technologies appartenant à Waymo, une filiale de Google, lors de son audition au procès qui oppose les deux entreprises depuis lundi à San Francisco, dans l'ouest des Etats-Unis.

Interrogé pendant deux heures mercredi --après près d'une heure mardi--, l'ancien responsable s'est aussi expliqué, parfois avec difficulté, sur le contenus de SMS échangés avec Anthony Levandowski, ancien ingénieur spécialisé dans les voitures autonomes chez Google Car (devenu ensuite Waymo).

Son ancien employeur accuse M. Levandowski d'avoir téléchargé fin 2015 des milliers de documents secrets avant d'aller fonder sa propre start-up, Otto, ensuite rachetée par Uber à l'été 2016.

Pour Waymo, Travis Kalanick, qui a démissionné en juin 2017, et Anthony Levandowski ont tout orchestré dans le seul but de récupérer des technologies appartenant à Google et ainsi donner un coup d'accélérateur au programme voitures autonomes d'Uber.

Formellement, c'est Uber qui est poursuivi dans ce procès, M. Kalanick n'étant entendu que comme témoin tandis que M. Levandowski fait l'objet d'une autre procédure.

La conduite autonome est vue comme le Graal des transports du futur et les entreprises technologiques, comme les grands constructeurs automobiles, investissent des milliards de dollars pour attirer -et garder- les meilleurs ingénieurs, et pour mettre en premier des véhicules complètement autonomes, à grande échelle, sur les routes.

Pourquoi avoir embauché M. Levandowski?, a demandé à Travis Kalanick l'une des avocates d'Uber Karen Dunn.

"Parce que nous pensions qu'il était extraordinairement visionnaire", a répondu M. Kalanick, rejetant ainsi l'idée d'avoir acheté Otto dans le seul but de récupérer les secrets commerciaux de Google. Et d'ajouter que les ingénieurs travaillent où ils veulent.

Tout en reconnaissant l'importance cruciale de la conduite autonome pour Uber, l'ancien chef d'entreprise a aussi répondu "non" à la question de savoir s'il avait demandé à M. Levandowski de récupérer des documents secrets chez Google ou si celui-ci l'en avait informé.

Selon M. Kalanick, Waymo poursuit aujourd'hui le groupe de réservation de voitures parce que le co-fondateur de Google, Larry Page, était "très fâché" de voir Uber se lancer dans la voiture autonome et s'inquiétait de voir partir ses meilleurs ingénieurs.

Un peu plus tôt, l'avocat de Waymo Charles Verhoeven s'était attaché longuement, notamment via des SMS, à démontrer que MM. Levandowski et Kalanick avaient une relation de complicité et partageaient une même vision, sans scrupule et belliqueuse, de la course à la voiture autonome.

 

Un patron ne peut pas tout lire

Ainsi en mars 2016, l'ingénieur écrivait au dirigeant: "je vois ça comme une course et nous devons gagner. Etre deuxième, c'est perdre". A la question de Me Verhoeven: "Vous vouliez gagner aussi, n'est-ce pas?", M. Kalanick, tendu, en costume cravate, loin de l'image de "bad boy" qui lui colle à la peau, a répondu "c'est exact".

Dans un autre message adressé à M. Kalanick, et dévoilé dans la foulée, on peut voir un smiley "clin d'oeil" accompagnant un lien vers un extrait du film "Wall Street", qui dépeint le monde des requins de la finance dans les années 80.

Dans l'extrait diffusé à l'audience, on entend le financier sans scrupule Gordon Gekko lancer à son auditoire: "l'avidité, c'est bien (...), l'avidité, ça marche".

A plusieurs reprises, M. Kalanick, visiblement mal-à-l'aise, a dit "ne pas se souvenir" de ce dont parlaient les SMS échangés. Que veut dire "brûle le village" envoyé à M. Levandowski? "Je ne sais pas, c'était il y a deux ans", a répondu l'ancien dirigeant, poussé vers la sortie l'an dernier par des investisseurs rendus inquiets par une accumulation de scandales.

Travis Kalanick a aussi indiqué avoir signé des documents sans les lire, notamment un accord prévoyant de couvrir juridiquement et financièrement des employés qui seraient visés par d'anciens employeurs pour des "actes répréhensibles", comme des vols de technologies.

"Je n'ai jamais lu l'accord", a assuré Travis Kalanick. "Un patron a littéralement des centaines de documents à lire tous les mois (...). Il ne peut pas tous les lire", s'est-il justifié.

Dans ce procès, qui doit durer encore au moins deux semaines, Waymo réclame quelque deux milliards de dollars à Uber et la fin de son programme de voitures autonomes.

jc/faa

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