Pour Daimler, l'avenir de Smart est en Chine

Le constructeur allemand Daimler a renforcé jeudi son offensive sur le prometteur marché chinois en s'alliant à Geely pour développer sa marque Smart, abandonnant "dès 2022" la production des petites citadines dans leur berceau français.

La coentreprise "à part égales" avec le constructeur chinois doit ouvrir "un nouveau chapitre dans l'histoire de Smart", a commenté Dieter Zetsche, patron de Daimler, dans un texte publié sur LinkedIn. "Nos plus petites voitures ont un énorme potentiel, en Chine et ailleurs."

Cette alliance avec le propriétaire de Volvo pour la production en Chine dès 2022 entraîne le départ de ces petites citadines du site français de Hambach, mais sans impact sur l'emploi, a promis M. Zetsche.

"Tous les emplois seront pérennisés à travers notre nouveau projet industriel qui consistera à créer une nouvelle ligne d'assemblage pour la construction d'un SUV électrique de la marque Mercedes à Hambach", a indiqué mercredi au quotidien Le Républicain Lorrain le PDG de Smart France, Serge Siebert.

En 2018, la Chine représentait 28% des ventes de Mercedes-Benz Cars, la division du groupe Daimler qui comprend Mercedes et Smart. Et le marché chinois est de loin celui où le groupe a vu le plus de progression: +10% sur un an, contre un recul de 3% en Europe et aux Etats-Unis.

 

"Bonsaï-Benz"

En parallèle, seules 130.000 des 2,4 millions de voitures vendues par le groupe dans le monde étaient des Smart l'année passée. Et si le constructeur allemand ne détaille pas les performances financières des différentes marques, Smart serait déficitaire d'après le quotidien allemand Handelsblatt, contrairement aux très rentables berlines et SUV de Mercedes-Benz.

Parfois surnommées "Bonsaï-Benz" par la presse allemande, ces citadines sont à la traîne par rapport à leurs rivales de chez BMW, les Mini, écoulées à 360.000 exemplaires l'an dernier.

L'urgence était donc de trouver un nouveau destin pour Smart, qui a fêté l'année dernière son 20e anniversaire et doit devenir 100% électrique d'ici 2020.

"Pour Daimler, cette coopération pourrait être très réussie" et ouvre l'accès à une "deuxième grande infrastructure de vente", a commenté auprès de l'AFP l'expert allemand en automobile Ferdinand Dudenhöffer.

Avec 1,52 million de véhicules vendus, Geely contrôle environ 6% du marché chinois des voitures individuelles, en troisième position derrière les marques associant General Motors et Volkswagen à leurs partenaires locaux.

Les constructeurs chinois, face à l'essoufflement du marché, misent sur le développement de petites citadines pour séduire les habitants des grands métropoles déjà saturées, tout en confortant leur stratégie de montée de gamme.

Après un service de VTC premium dans plusieurs villes chinoises, il s'agit de la deuxième coopération de Geely et Daimler depuis que le propriétaire de Geely, Li Shufu, est devenu en février 2018 le principal actionnaire de Daimler, suscitant des craintes politiques sur les ambitions de Pékin.

 

"Emotion" en France

En France, l'annonce de l'arrêt de la fabrication en Moselle, "c'est de l'émotion", a confié à l'AFP Mario Mutzette, délégué syndical CFE-CGC. "Il y aura du travail pour tout le monde", s'est-il cependant félicité.

En mai 2018, Daimler avait annoncé investir 500 millions d'euros sur le site mosellan pour produire, à partir de 2020, et pour la première fois en France, un modèle électrique de Mercedes.

Pour le syndicaliste, l'accord obtenu en 2015 sur une hausse du temps de travail sans contrepartie financière a permis à l'usine "de rentrer dans le giron de Mercedes".

Les salariés de Smart France avaient accepté le Pacte 2020, qui prévoyait le retour à 39 heures de travail hebdomadaire, payées 37, avec un rétablissement prévu des 35 heures en 2020. La mesure, entrée en vigueur en octobre 2016, s'est traduite par une réduction des RTT pour les cadres à partir de 2017.

"Si demain Mercedes crée un nouveau véhicule, notre usine aura les capacités de le fabriquer", a-t-il ajouté. "On récolte les fruits de notre flexibilité et de nos efforts."

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