Portrait: Carlos Tavares, le passionné d'automobile

Ingénieur passionné d'automobile, manager féru de compétition, Carlos Tavares a transformé en trois ans PSA, ex-grand malade du secteur, en entreprise conquérante, comme vient l'illustrer l'acquisition d'Opel.

Le conseil de surveillance de PSA a approuvé vendredi le rachat de la division européenne de General Motors (GM), qui sera officialisé lundi, selon une source proche du dossier.

Ce coup stratégique, qui donne une nouvelle dimension au constructeur français (propriétaire des marques Peugeot, Citroën et DS), sonne comme une revanche pour M. Tavares, qui s'est un temps vu à la tête de GM.

Cette ambition ouvertement affichée à l'été 2013, alors qu'il était le second du PDG Carlos Ghosn chez Renault, coûte sa place à l'ingénieur centralien qui avait jusqu'alors fait toute sa carrière dans le groupe au Losange, avec une incursion de 2004 à 2011 chez son allié japonais Nissan.

Mais Carlos Tavares, né il y a 58 ans au Portugal dont il a conservé la nationalité, rebondit rapidement en étant choisi par PSA pour rejoindre début 2014 le directoire de l'entreprise, dont il prend la tête trois mois plus tard.

Le groupe, héritier de Peugeot, fleuron industriel bicentenaire, est alors aux abois, ayant terminé essuyé une perte historique de 5 milliards d'euros en 2012 puis perdu 2,3 milliards en 2013, victime de la crise qui a fait chuter le marché européen des voitures neuves de 25% en cinq ans.

PSA est alors sauvé de justesse de la faillite par l'arrivée au capital de l'Etat français, au nom de l'emploi, et du constructeur chinois Dongfeng, tous deux prenant environ 14% du capital, au même niveau que la famille Peugeot.

Carlos Tavares s'attelle à redresser le navire. "La culture du profit va être un point sur lequel nous allons nous concentrer", promet-il en présentant son plan stratégique, "Back in the race" (de retour dans la course). Avec un message clair: "le +cash+ est roi".

En amont, les opérations industrielles sont passées au crible pour rationaliser et chasser le gaspillage, quitte à trancher dans le vif en supprimant des modèles non rentables et des lignes de montage dans certaines usines. Les employés acceptent davantage de flexibilité et une modération salariale contre l'engagement de maintenir des sites industriels.

 

Discipline

En aval, M. Tavares applique chez PSA ce qui était déjà son leitmotiv chez Renault: la capacité à défendre le prix des automobiles en limitant les remises, autrement dit le "pricing power", l'une des expressions en anglais qu'affectionne l'ex-patron de Nissan en Amérique du Nord.

De ses collaborateurs directs, M. Tavares, fines lunettes et visage anguleux, costumes austères sur silhouette svelte, réclame la même efficacité et discipline, minutant les réunions, réduisant les temps de repas et bannissant les échanges de documents sur papier, au profit des communications électroniques via tablette tactile.

En deux ans, les résultats sont spectaculaires. PSA, aidé par la vigoureuse reprise du marché automobile européen, engrange un bénéfice d'1,2 milliard d'euros dès 2015, presque doublé en 2016. Le "point mort", le nombre de voitures nécessaires pour rentabiliser les coûts fixes, tombe à moins de 1,6 million, contre 2,6 en 2013, et la marge opérationnelle bondit de 0,2% à 6% en deux ans.

Se félicitant de diriger une entreprise plus "agile", M. Tavares annonce en 2016 un nouveau plan stratégique de "croissance rentable", qui passe par l'internationalisation et la diversification dans les services de mobilité.

Son nom: "Push to pass", c'est-à-dire le système sur les voitures de course qui déclenche un surcroît de puissance moteur pour aider à doubler.

Car Carlos Tavares, avant de quitter le lycée français de Lisbonne pour ses études supérieures en France, était déjà passionné de compétition automobile et a exigé du directoire de PSA de pouvoir continuer à la pratiquer le week-end, notamment en Trophée tourisme endurance où son équipe s'appelle "Clémenteam racing", clin d'oeil à l'une de ses trois filles.

On le retrouve aussi en 2016 au volant de sa Peugeot 504 spécialement préparée au départ du rallye de Monte Carlo historique, puis à près de 300 km/h au circuit belge de Spa sur une Ligier, un souvenir qui éclaire son visage, souvent sévère et concentré, de "car guy" (amateur d'automobiles) revendiqué.

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