Plaidoyer pour une simplification du "rétrofit électrique"

Des véhicules thermiques de moins en moins bienvenus dans les villes, des voitures électriques encore très chères: et si une solution consistait à remplacer les moteurs à essence ou diesel de voitures d'occasion par des unités électriques?

De nombreuses entreprises s'intéressent déjà au sujet, mais outre le coût non négligeable, un écueil de taille se dresse devant elles: une telle conversion (alias "rétrofit") nécessite une nouvelle homologation du véhicule à titre individuel, un processus très contraignant.

La réglementation pourrait néanmoins évoluer. C'est en tout cas le souhait de ces entreprises, réunies au sein de l'AIRe (Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique) qui rédigent avec un groupe de travail piloté par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) un arrêté qui permettrait l'homologation des véhicules modifiés.

"L'objectif est de le publier avant la fin 2019", indique à l'AFP un porte-parole du ministère de la Transition écologique et solidaire.

Les adeptes de cette conversion vantent les avantages d'un véhicule qui "ne pollue pas en roulant" et dont le coût d'entretien est réduit, selon Arnaud Pigounides, président de l'AIRe, association créée il y a six mois.

"Le rétrofit est tout à fait en ligne avec la politique du gouvernement de verdissement des transports routiers", selon le porte-parole du ministère.

 

Faciliter l'homologation

Du camion à la voiture de collection en passant par la petite citadine, les huit adhérents, bientôt 12, transforment tous types de véhicules à des coûts qui varient selon la puissance et l'autonomie de la batterie.

Par exemple, il faut compter 5.000 euros et 8 heures de travail pour ainsi modifier une Volkswagen Polo, avec 100 km d'autonomie et une vitesse maximale de 110 km/h.

Pour un coupé sportif Ford Mustang, la facture grimpe en revanche à 21.000 euros. Le véhicule sort doté d'une vitesse de pointe de 200 km/h et d'une autonomie électrique de 180 km, encore loin toutefois des chiffres permis par la version classique à essence.

Actuellement, la France autorise le "rétrofit", mais l'homologation, obligatoire pour rouler, ne peut se faire qu'à titre individuel, et reste quasiment impossible.

"Les véhicules doivent passer un crash-test. Personne ne voudrait envoyer sa voiture dans un mur", constate Arnaud Pigounides.

"Des entreprises se créent, mais tant qu'il n'y a pas d'homologation, il n'y a pas de marché", résume-t-il. Ces sociétés attendent donc le feu vert du gouvernement pour investir.

Ce processus est plus simple à l'étranger. "Aux États-Unis, les gens ont le droit de le faire de manière artisanale, il n'y a pas de réglementation", explique M. Pigounides. Et même en Europe, plusieurs pays autorisent l'immatriculation des véhicules "électrifiés", comme l'Allemagne ou l'Italie.

L'arrêté sur lequel l'AIRe travaille depuis janvier 2019 avec le Centre national de réception des véhicules (CNRV) et l'organisme technique central UTAC-CERAM vise à mettre en place une procédure administrative facilitée et encadrée en France.

 

Nouvelle filière

Ces entreprises se considèrent comme complémentaires au marché existant des véhicules électriques.

En additionnant les objectifs des adhérents, l'AIRe a estimé que 66.000 véhicules pourraient être ainsi adaptés d'ici cinq ans, ce qui représente 0,11% du parc automobile pour les voitures particulières et moins de 0,5% pour les utilitaires.

Il espère aussi un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, et la création de 5.500 emplois.

"On peut trouver un véhicule électrique neuf chez nous", rappelle Alain Le Gouguec, responsable de la communication chez PSA (Peugeot, Citroën, DS). "Le rétrofit concerne le marché de l'occasion".

Après la réglementation, l'industrialisation: "pour l'instant, on achète les pièces en petits volumes. Créer une filière permettrait de baisser les coûts", espère Arnaud Pigounides.

"On souhaite aussi une harmonisation européenne", poursuit-il. "Des accords existent entre pays, mais il faudrait qu'on puisse vendre et homologuer nos véhicules +rétrofités+ partout en Europe."

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le 18 juin le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), dont l'une des mesures interdirait la commercialisation de voitures à carburants fossiles d'ici à 2040.

En 2018, 1,4% des voitures particulières neuves immatriculées en France étaient électriques et 4,9% hybrides (carburant-électricité), selon l'Insee.

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