Pénuries multiples: l'industrie et la construction à la peine

Pénuries de plastique, de ferraille, de bois: après le choc du Covid-19 qui a désorganisé les chaînes d'approvisionnement mondiales, de plus en plus de produits "critiques" manquent dans plusieurs secteurs industriels dont l'automobile, entraînant des hausses de prix et freinant les usines et les chantiers.

En France, trois filières sont très affectées comme clientes: l'automobile, l'agroalimentaire et le bâtiment, selon la ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher. Trois autres le sont en tant que fournisseurs: l'électronique, souffrant notamment de la pénurie mondiale de semi-conducteurs, la métallurgie et la chimie.

Conséquence: une forte augmentation des prix, de 6% sur l'emballage et de 50% à 80% sur l'acier et l'aluminium selon la ministre après une réunion avec les industriels mercredi.

Premier secteur touché, celui des semi-conducteurs, où quelques géants, notamment à Taïwan, font face à une explosion de la demande mondiale. Dans l'automobile, cette situation va retarder ou annuler la production d'"un million de véhicules au premier semestre" dans le monde dont 300.000 en Europe, a-t-elle dit.

En France, la Fédération des industries des équipements pour véhicules signalait en mars que 84% de ses adhérents étaient touchés par des problèmes d'approvisionnement de composants ou d'alliages, pouvant entraîner jusqu'à la fermeture de sites de production.

Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a annoncé un renforcement des capacités de fabrication lundi. L'Europe dispose de peu de capacités de production.

 

"Rupture"

Viennent ensuite le plastique, le verre, le carton et le papier, avec des délais de livraison "multipliés par deux et une assez forte réduction des stocks" qui génère de "très fortes tensions" sur les emballages notamment pour l'industrie agroalimentaire française.

Les 3.500 industriels de la plasturgie (Polyvia), essentiellement des PME, ont alerté dès janvier sur leur situation de "rupture" d'approvisionnement, et sur le cas de "plusieurs entreprises" "en difficulté" car ne pouvant honorer leurs commandes.

En mars, c'est la filière des emballages plastiques (Elipso), représentant quelque 300 fabricants en France, qui avait pointé ses difficultés d'approvisionnement en résine plastique et la hausse "brutale" de ses coûts.

Les tensions sur l'acier, où les prix sont passés de 500 euros la tonne à 900 euros la tonne en quelques mois, font craindre un freinage de la reprise cette année à la Fédération des Industries Mécaniques (FIM), qui réunit environ 3.000 entreprises.

La reprise en Chine "a entraîné un recours massif à la ferraille et une augmentation très forte de la demande. Nous faisons face à un désajustement entre la demande et l'offre", analyse la ministre, alors que le redémarrage des hauts fourneaux, arrêtés par les confinements de 2020, a pris plusieurs mois.

Parmi les dispositifs du plan de relance post-Covid, Paris compte encourager le recyclage du plastique, pour couvrir l'écart de prix entre celui du plastique vierge et celui du plastique recyclé (plus cher).

Les tensions sur le bois, dans un pays où la couverture forestière a doublé en deux siècles, sont plus complexes à analyser.

Mme Pannier-Runacher estime qu'il s'agit d'un problème "structurel" et réunira les acteurs du secteur lundi, avec ses homologues de l'Agriculture et du Logement, premier débouché industriel du bois.

 

Chine et USA font "leur marché en Europe"

En aval, le bâtiment est "touché de plein fouet par cette déstabilisation mondiale", explique à l'AFP le président de sa fédération en France, Olivier Salleron.

"Il y a un afflux de matériaux dirigés vers les Etats-Unis et la Chine, où la reprise est très forte. Ils viennent faire leur marché en Europe et ça crée des pénuries", détaille-t-il.

La situation est telle que, sur certains produits, les fournisseurs ne donnent plus ni prix, ni délais de livraison. "Le bâtiment avait réussi sa reprise, ça serait dommageable de devoir arrêter des chantiers par manque de matériaux", déplore M. Salleron.

Globalement, le gouvernement compte sur le volet relocalisation du plan de relance pour "rebâtir des chaînes industrielles".

Depuis septembre, 273 projets de relocalisation ont été financés à hauteur de 462 millions d'euros d'aide publique, permettant la création de 11.500 emplois et la pérennisation de 27.500 emplois, selon la ministre de l'Industrie.

Au total, sur l'enveloppe de 850 millions d'euros prévue d'ici septembre 2021, il reste près de 400 millions d'euros à distribuer.

© 2021AFP