Norme Euro 7: trop peu pour les ONG, trop fort pour les constructeurs

La Commission européenne a présenté jeudi des propositions pour réduire la pollution de l'air par les automobiles, un durcissement des normes jugé insuffisant par les défenseurs de l'environnement qui accusent Bruxelles de céder au lobby des constructeurs, lesquels dénoncent les coûts annoncés par le durcissement de la norme.

L'UE a acté récemment la fin des ventes de voitures neuves essence et diesel à partir de 2035, au profit des véhicules 100% électriques. Il s'agit de réduire à zéro les émissions automobiles de CO2 pour contribuer à l'objectif de neutralité carbone du continent à l'horizon 2050.

Les défenseurs de l'environnement veulent profiter des nouvelles normes Euro 7, qui devraient s'appliquer à tous les véhicules particuliers à partir de 2025 quelle que soit leur motorisation, pour réduire la pollution de l'air liée au transport routier responsable de 70.000 décès chaque année dans l'UE.

Mais ils soupçonnent la Commission d'avoir reculé devant les constructeurs déjà secoués par la révolution électrique.

La filière emploie 13 millions de personnes en Europe. Elle aimerait éviter des investissements additionnels dans les motorisations thermiques, jugeant qu'ils sont de toute façon amenés à disparaître.

 

70.000 décès

Sous cette double pression, la Commission a dévoilé jeudi la norme Euro 7 qui, selon ses calculs, réduirait de 35% les émissions d'oxydes d'azote (NOx) des voitures particulières et utilitaires légers et de 56% celles des bus et camions d'ici à 2035, par rapport à la norme précédente Euro 6.

Les émissions de particules fines au niveau du pot d'échappement seraient réduites de 13% pour les véhicules légers et de 39% pour les poids lourds. Celles produites par l'abrasion des freins reculeraient de 27%.

L'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) a aussitôt exprimé ses "vives préoccupations". Elle a mis en garde sur l'impact de normes trop sévères sur la compétitivité et l'emploi, mais aussi sur le prix des voitures, déjà de moins en moins accessibles pour la classe moyenne.

"Le bénéfice environnemental de la proposition est très limité alors qu'elle augmente lourdement le coût des véhicules", a déclaré le patron de BMW, Oliver Zipse, qui préside l'organisation.

Ce surcoût serait seulement de "100 à 150 euros par véhicule", a assuré jeudi le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, lors d'une conférence de presse.

Pour réduire la pollution, Bruxelles propose notamment de rendre les tests d'émissions des véhicules plus conformes aux conditions réelles de conduite.

L'exécutif européen veut doubler la période durant laquelle les véhicules doivent se conformer aux règles, à 10 ans et 200.000 km. La nouvelle norme européenne sera la première au monde à fixer des limites à l'émission de particules provoquée par l'usure des freins et des pneus.

 

Normes inchangées pour l'essence

Les seuils d'émission de gaz polluants seraient abaissés significativement pour les poids lourds, mais seulement légèrement pour les voitures particulières diesel et pas du tout pour les véhicules essence qui constituent la plus grosse partie des ventes.

"C'est très insuffisant. La Commission choisit de préserver les profits de l'industrie automobile plutôt que la santé des citoyens", a déploré Lucien Mathieu, de l'ONG Transport & Environment. Il dénonce l'influence des pays constructeurs d'automobiles comme la France, l'Italie et l'Allemagne.

Pour l'ONG allemande Deutsche Umwelthilfe, la Commission "a ignoré les avis de ses propres experts et s'est inclinée devant le lobby automobile". Elle estime que la norme Euro 7 ne tient pas compte des dernières avancées technologiques et permettra dans l'UE des émissions d'oxydes d'azote trois fois plus élevées qu'en Californie.

"Le lobbying des constructeurs automobiles semble avoir fait son effet", a regretté aussi l'eurodéputée écologiste Karima Delli, prévoyant "des négociations âpres et compliquées" sur ce texte qui doit encore être discuté avec les Etats membres et le Parlement. "Nous allons faire tout notre possible pour relever les ambitions de cette proposition", a-t-elle assuré.

"Certains trouvaient que c'était trop ambitieux, d'autres pas assez. Je crois que nous avons trouvé un bon compromis", s'est défendu Thierry Breton.

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