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Toute la journée, des dizaines de milliers de professionnels et de journalistes ont parcouru les travées du Parc des expositions, Porte de Versailles, transformé en sanctuaire de l'automobile. L'événement ouvrira au grand public samedi, jusqu'au 16 octobre.
Renault a frappé fort en annonçant jeudi, au début des journées de presse du Mondial, que son modèle électrique vedette, la Zoé, serait désormais doté d'une autonomie théorique pour 400 km contre 240 pour la version actuelle.
Ces capacités, environ 300 km en conditions réelles, "devraient soulager ou éliminer l'un des obstacles au développement des voitures électriques, qui est l'autonomie", a déclaré le PDG Carlos Ghosn. "C'est un point d'inflexion qui permet de désensibiliser fortement le problème de l'autonomie".
"Je suis très content de voir que tous les constructeurs se précipitent aujourd'hui pour dire que c'est l'avenir, il y a même de la surenchère", s'est amusé M. Ghosn, qui défend le développement de l'automobile électrique depuis de nombreuses années.
De fait, la concurrence s'étoffe: Opel annonce lui aussi une autonomie théorique de 400 km pour sa nouvelle Ampera-e, version européenne de la Chevrolet Bolt, elle-même réponse de General Motors à l'aiguillon Tesla.
Cette entreprise californienne, après avoir pris le monde du haut de gamme à revers depuis 2012 avec sa coûteuse berline "Model S", offrant jusqu'à 500 km entre deux recharges, a enregistré plus de 370.000 pré-commandes pour sa plus petite "Model 3" attendue fin 2017 avec 350 km d'autonomie.
Nissan, allié de Renault qui a lui aussi misé sur l'électrique, n'annonce pas à ce Mondial d'évolution de son modèle Leaf (250 km d'autonomie théorique), qui s'est écoulé à 230.000 exemplaires dans le monde depuis son lancement fin 2010, portant à 350.000 les modèles "zéro émission" du tandem franco-japonais mis sur les routes.
Mais Nissan continue à développer l'électrique et se dit déterminé à offrir à terme "une autonomie comparable à celle des véhicules à carburant".
De son côté Volkswagen, en plein virage stratégique sur les décombres du "dieselgate", a ouvert le salon de Paris avec un prototype, l'"I.D.", censé franchir jusqu'à 600 km entre deux recharges, mais à l'horizon 2020.
Pluie d'annonces
"Le groupe Volkswagen va développer et construire plus de 30 nouveaux véhicules électriques en plus d'ici à 2025", a expliqué son patron, Matthias Müller. "L'avenir, c'est l'électrique".
"D'ici à 2025, nous allons mettre dix véhicules électriques sur le marché", a déclaré de son côté à l'AFP Thomas Weber, responsable de la recherche et du développement au sein de Mercedes. Le groupe à l'étoile a montré à Paris de nouveaux modèles électriques des voitures urbaines Smart.
"En 2020, une autonomie de 500 km va devenir la norme, ceux qui feront moins bien seront pénalisés", prédit à l'AFP Ferdinand Dudenhöffer, expert automobile allemand à l'institut de recherche CAR.
Depuis la dernière édition du salon en 2014, les ventes d'autos électriques en France ont presque triplé en volume. Bien que fortement subventionnées (jusqu'à 10.000 euros de "superbonus"), elles ne représentent encore que 1,07% du marché.
"Depuis le début de l'année, nos ventes électriques ont doublé par rapport à l'année dernière", a confirmé le président du directoire de PSA, Carlos Tavares, dans un entretien à l'AFP. Le plan stratégique de PSA à horizon 2021 prévoit "quatre véhicules électriques supplémentaires", a-t-il rappelé.
Quelque 35% des Français interrogés se disent prêts à opter pour une telle technologie, une hausse de 7 points par rapport à 2014, selon un sondage Ipsos commandé par l'Association pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France).
Les bornes en accès public (qui mettent entre 30 minutes et plusieurs heures pour recharger le véhicule) continuent à se répandre en France: 14.240 fin août, une hausse de 42% en huit mois, indique à l'AFP Joseph Beretta, président de l'Avere-France.
L'autonomie sera-t-elle suffisante pour un déclic? "Quand vous interrogez des consommateurs sur l'autonomie qu'ils veulent, plus de la moitié des gens répondent 500 km, et un tiers plus de 750 km", note Rémi Cornubert, expert chez AT Kearney.
La faible autonomie des électriques constitue "plus un frein psychologique qu'autre chose parce que dans les usages du quotidien, 80% des Français font moins de 100 km par jour", rappelle pour sa part Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire Cetelem de l'automobile.
Chez Renault, on présente un coupé flamboyant, "Trézor", dont le style "préfigure la nouvelle gamme Renault (...) qui va venir dans quelques années", selon le PDG Carlos Ghosn.
Et PSA, autre régional de l'étape ayant opéré un spectaculaire rétablissement, présente la nouvelle petite Citroën C3 et les 4x4 urbains Peugeot 3008 et 5008 "pour répondre aux attentes de nos clients", a souligné son patron Carlos Tavares.
Le secteur s'est remis d'aplomb en Europe après la profonde crise de 2008-2013: la croissance des immatriculations de voitures particulières neuves depuis début 2016 s'établit à 6,1% en France et 8,1% dans l'Union européenne.
Toyota s'attend aux "meilleures ventes depuis 2008" en Europe, a indiqué à l'AFP son dirigeant pour la zone, Karl Schlicht.
Les constructeurs, pour amortir les retournements de cycles, se tournent encore davantage vers l'international. M. Tavares a confié qu'il irait la semaine prochaine en Iran, pour concrétiser le plan de retour de PSA sur ce marché prometteur, et a reçu sur le salon jeudi le ministre de l'Industrie de la République islamique, Mohammad Reza Nematzadeh.
Mais au-delà des ambitions de conquête, les constructeurs doivent relever plusieurs défis.
Le thème du "Brexit" est revenu au premier plan jeudi avec la menace à peine voilée de Carlos Ghosn de se désengager de l'usine Nissan de Sunderland (nord) si le gouvernement britannique n'offre pas la garantie de compenser l'imposition d'éventuelles barrières douanières.
Parallèlement, Nissan a présenté à Paris la nouvelle génération de sa petite Micra, produite non plus en Inde, mais en France dans l'usine Renault de Flins (Yvelines), à plus de 100.000 unités par an, espère le constructeur.
"Amener un peu de passion"
Autre préoccupation pour le secteur, Volkswagen (VW) dont le nouveau credo électrique ne fait pas oublier qu'il doit encore solder les conséquences du trucage de 11 millions de moteurs diesel qui l'a fait plonger dans le rouge en 2015.
"Les montants de la sanction évoquée sont considérables mais une fois qu'on saura, on pourra repartir et nous espérons redevenir rentables peut-être dès 2016", a indiqué jeudi le patron de VW, Matthias Müller.
Le secteur tout entier est entré dans l'ère du soupçon. En France, une commission d'experts a confirmé des décalages parfois énormes entre les émissions polluantes des automobiles en usage réel, et celles de leurs fiches techniques.
Les motorisations diesel, privilégiées depuis 30 ans en France, sont sur la sellette. "Du point de vue des nouveautés présentées, le salon de Paris donne le coup d'envoi d'une forme d'adieu au diesel de la part des constructeurs", a jugé le spécialiste automobile allemand Ferdinand Dudenhöffer.
De fait, les marques, dont VW mais aussi Opel, Renault (avec une Zoé à l'autonomie quasi doublée) et Mercedes, insistent à Paris sur leur engagement envers la mobilité électrique, qui malgré ses progrès, ne représente que 1% des ventes neuves en France.
Fournisseurs de plus gros volumes dans l'immédiat, les 4x4 urbains de série règnent sur les stands avec outre les Peugeot 3008 et 5008, les Renault Koléos, Toyota C-HR, Skoda Kodiaq, Seat Ateca, Audi Q5 et BMW X2.
Quelque 200 marques sont représentées au Mondial. Mais au moins sept (Ford, Mazda, Volvo, Aston Martin, Lamborghini, Bentley et Alpine) manquent à l'appel, sur fond de débat quant à la pertinence commerciale de l'événement pour elles.
Les organisateurs répliquent que le salon de Paris reste l'événement du genre le plus populaire au monde: 1,25 million de personnes lors de sa dernière édition en 2014. Il est organisé tous les deux ans en alternance avec Francfort (Allemagne).
"Pour moi, le rôle du salon, c'est aussi de donner une autre image de l'automobile. C'est là aussi pour faire rêver, amener un peu de passion autour du produit, et pas simplement de parler d'émissions de CO2 et de consommation", a déclaré à l'AFP Lionel French Keogh, patron de la marque coréenne Hyundai en France.
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